L'été des quatre rois, roman de Camille Pascal
Dieu que la langue française est belle lorsqu’elle est maniée par un orfèvre comme Camille Pascal !
Cette chronique haletante, qui se déroule du 25 juillet au16 août 1830 entre Paris, Neuilly, Saint Cloud, Versailles, Rambouillet et Cherbourg nous fait vivre la révolution des « Trois Glorieuses ». Elle met en scène tous les acteurs de la chute de Charles X, son abdication et celle de son fils aîné Louis de France, au profit de son petit-fils et neveu Henri duc de Bordeaux, et l’habile manœuvre politique du duc d’Orléans pour se faire attribuer la couronne par les Chambres sous le nom de Louis-Philippe. Car devant l’horreur des barricades, tout est préférable à la République …
La révolte survient à la suite de la signature par Charles X d'un train d'ordonnances dissolvant la Chambre et supprimant la liberté de la Presse en contradiction avec l’esprit de la Charte de 1814.
A ceux qui l'incitent à rétablir les libertés publiques et trouver des accommodements avec les libéraux, Charles X répond qu’il préfèrerait encore scier du bois au fond de la forêt que de régner sur la France à la façon du roi d’Angleterre prisonnier de son Parlement. C’est dire si le fossé est profond entre l’opinion et la Cour, encore enkystée dans les chimères de l’Ancien Régime et qui redoute le retour des émeutes de 1793.
Ce roman se lit dans un souffle, même si l’on en connaît naturellement la fin. Et l’on comprend aussi ce que la vie politique française d’aujourd’hui doit aux réflexes de ce début du XIXème siècle. Un complément pertinent à l’ouvrage d’Emmanuel de Waresquiel sur l’histoire de la Restauration.
Ainsi suivons nous en cet été torride l’itinéraire de quatre rois : Charles X, Louis XIX, Henri V et Louis-Philippe Ier … Comme le déclare l’éditeur : « Si l’auteur ne s’est interdit aucun des artifices de la littérature pour écrire l’histoire, les faits rapportés dans ce récit sont rigoureusement exacts, et l’intégralité des dialogues est tirée des mémoires ou des témoignages du temps. »
Et c’est absolument sidérant. Les rituels de Cour – et Camille Pascal en a vécus à l’Elysée de similaires lorsqu’il y était la « plume » de Nicolas Sarkozy – le respect aveugle de l’étiquette par ce roi vieillissant et arc-bouté sur ce qu’il considère comme son devoir de droit divin, la messe quotidienne et le déjeuner en public, les personnages qui gravitent ou qui suivent – les décors, la vindicte populaire, les barricades si bien décrites une année plus tard par Victor Hugo, les hommes et femmes célèbres comme Talleyrand, Chateaubriand, le vieux La Fayette, Juliette Récamier, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, Adolphe Thiers, le Maréchal Marmont, Odilon Barrot, Charles de Rémusat, les banquiers Lafitte et Rotschild, la vendetta entre le Comte Pozzo di Borgo et le général Sébastiani, les intrigues féminines – en particulier le rôle d’Adèle de Boigne, la légèreté de la duchesse de Berry, la tristesse et l'angoisse de la fille aînée de Louis XVI, rescapée du Temple …
Le livre a été couronné (!) par le grand prix du roman de l’Académie française en 2018 : c’est largement justifié.
L’été des quatre rois, roman historique de Camille Pascal édité chez Plon, 657 p., 22,90€