ROUGE, Art et utopie au pays des soviets (1917 - 1953)
L’événement politique majeur du XXème siècle est la Révolution d’Octobre 1917.
Voici comment ce bouleversement de l’ordre politique et social a impacté la création artistique, en particulier en Union soviétique mais pas que.
Comment l’art a été mis au service de la propagande pour informer, enrôler, mobiliser et conforter les masses paysannes, pousser à la production industrielle, à la construction d’infrastructures, brûler les étapes du développement économique dans un pays particulièrement vaste et chez des populations souvent illettrées.
On a beaucoup brocardé le « réalisme socialiste » et ses compositions aussi naïves que pompeuses …
L’exposition présente environ 400 œuvres qui mettent en lumière d’une part la manière dont les artistes ont sublimé leur espoir d’un monde nouveau et nécessairement meilleur puisqu’égalitaire et d’autre part comment le pouvoir les a utilisés jusqu'à faire accepter les plus graves dérives antidémocratiques.
Rejetant la peinture de chevalet, les constructivistes - qui répondent à un mouvement diffusé aussi en Europe - utilisent d’autres supports comme les collages photographiques, le design, les affiches, la création d’objets de la vie quotidienne – voir cette superbe table de jeu d’échec rouge et noir - et aussi l’architecture et le cinéma.
Alexandre Rodtchenko, Kasimir Malevitch (ici en haut à droite), Gustav Klutsis, Alexandre Deïneka, Varvara Stepanovna et bien entendu Sergeï Eisenstein sont les artistes en phase – mais parfois, ils cessent de plaire et deviennent dissidents, donc ennemis comme Malevitch - avec la hiérarchie communiste. Ils souscrivent au slogan : L’URSS est la brigade de choc du prolétariat mondial.
On connait aujourd’hui le destin funeste de cette idéologie mortifère, qui a tenté d’essaimer dans le monde entier et ne fait plus rêver quiconque …
On peut cependant comprendre a posteriori les perspectives de développement et de changement des mentalités des dirigeants communistes – amener leur pays à produire en masse quel qu’en soit le coût humain – en songeant que c’est la capacité de production d’avions et de tanks qui a finalement permis à l’Union soviétique de résister à la conquête nazie. A un prix humain toutefois inacceptable.
On retrouvera les messages de propagande contre les ennemis de classe et soi-disant ennemis du peuple, en particulier à partir de 1929 et le « Grand Tournant » opéré par Staline pour mettre fin à la Nouvelle Politique économique (NEP), la radicalisation du pouvoir, les procès de la « Grande Terreur » et ses millions de victimes.
Ce qui m’étonnera toujours, c’est le silence assourdissant de certaines de nos élites culturelles qui ne pouvaient pas ignorer, dans les années 50 et jusqu’à l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, ce qui se passait vraiment en URSS et ne cessaient de parler d’avenir radieux et de célébrer le mythe stalinien dont on voit ici quelques croutes hagiographiques …
P.S. : J'ai oublié de noter l'auteur du dernier tableau "Menschen sind immernoch die billigste Ware" ou "Les êtres humains restent encore la marchandise la moins chère".
ROUGE, Art et utopie au pays des soviets – Exposition au Grand Palais jusqu’au 1er juillet, tous les jours sauf le mardi à partir de 10h 20 ; 14€.