Un rêve d'Italie, la collection Campana au Louvre
Giampietro Campana, directeur du mont-de-piété – l’institution financière centrale du Vatican depuis 1833 - a constitué entre 1830 et 1850 la plus grande collection privée du 19e siècle qui rassemblait aussi bien des objets archéologiques que des peintures, des sculptures et des objets de la Renaissance.
Plus de 10 000 pièces d'une incroyable qualité, puisqu’elle inclut de nombreux chefs-d’œuvre.
À travers cette collection à nulle autre pareille, Campana mettait en lumière le patrimoine culturel italien, au moment même où émergeait l'Italie comme nation.
En 1851, Giampietro Campana épouse Emily Rowles, qui lui ouvre les portes de la meilleure société anglaise et l’introduit aussi auprès de Louis-Napoléon Bonaparte dont on suppose même que le couple aurait financé le coup d’Etat du 2 décembre 1851.
Collectionneur compulsif, après son père et son grand-père, il procède lui-même à des fouilles archéologiques, devient le principal client du marché romain, achète partout en Italie, dépense des sommes folles et finit par confondre ses fonds propres avec ceux de la banque qu’il dirige …
En 1857, après différents contrôles, il est arrêté et sa collection saisie puis mise en vente par les Etats Pontificaux.
La collection sera ainsi dispersée entre le tsar Alexandre II qui acquiert des marbres et des vases, les Britanniques des sculptures de la Renaissance et Napoléon III qui achète tout le reste. Le noyau central sera attribué au Louvre et beaucoup de pièces seront dispersées dans les musées de province, malgré les avis négatifs de Ingres et de Delacroix.
Campana voulait rassembler un concentré de l’art italien dans cette période de construction de l’Italie, celle du Risorgimento, pour faire admirer la culture italienne à toute l’Europe.
Présentée aujourd’hui de façon éclatante au Louvre, nous y retrouvons des pièces maîtresses comme La bataille de San Romano de Paolo Uccello d'une incroyable modernité, la grande croix de Giotto, la vierge et l’enfant de Botticelli, La Vierge et l’enfant avec le jeune Saint Jean Baptiste et trois anges de Ghirlandaio, l’Aphrodite du Capitole, les terres cuites émaillées de l’atelier des Della Robbia, les merveilleuses majoliques, les bijoux, les vases grecs, la série des hommes illustres du studiolo d’Urbino et … mon préféré : le Sarcophage des Epoux étrusques que Campana gardé caché…
Cet ensemble d'oeuvres est représentatif du "collectionnisme", phénomène économique et culturel majeur au XIXème siècle. Rome, chantier ininterrompu de fouilles depuis la fin du Moyen-Âge et vaste marché de l'art enclenché par la Révolution, y joue un rôle fondamental. On assiste ainsi à une évolution du statut de l'oeuvre d'art ainsi que de celui du patrimoine artistique : enjeu autant culturel que politique, mission d'éducation et de diffusion des savoirs.
Quelle chance de découvrir toutes ces merveilles ....
Un rêve d’Italie, la collection du marquis Campana au Louvre jusqu’au 12 février, hall Napoléon, tous les jours sauf le mardi.