Géométries Sud, du Mexique à la Terre de Feu
C’est la silhouette d’un immeuble complètement « dingue » et à la façade étrangement bariolée qui m’a attirée immédiatement dans un couloir de métro. Il est vrai aussi que depuis toujours, je suis fascinée par l’art des populations andines, depuis « Le temple du soleil » de mon vénéré Tintin jusqu’au choix de certaines laines péruviennes pour mes tricots …
Géométries Sud nous fait voyager du Mexique à la Terre de feu dans le sillage de plus de 70 artistes d’Amérique latine dont nous ignorons pratiquement tout …
Il faut rendre grâce à la Fondation Cartier qui, depuis 15 ans, explore la diversité et la richesse de la création dans cette partie du monde. Plus de 250 œuvres sont exposées aujourd'hui dans l’écrin de verre et d’acier créé par Jean Nouvel.
La plus "monumentale" est située au rez-de-chaussée. A gauche, les architectes paraguayens Solano Benitez et Gloria Cabral ont érigé une œuvre monumentale, savant jeu d’équilibre, d’ombres et de lumières, comme un moucharabieh gigantesque fait de triangles de briques recyclées jointoyées au mortier …
Il est intéressant d’aller regarder aussi la websérie, sur le site de la fondation, et le travail des artistes in situ. Comme une réminiscence des assemblages de briques d’Antoni Gaudi dans les combles de La Pedrera … et, juste en face, on peut admirer les créations arachnéennes de Gego, une artiste d'origine allemande disparue en 1994.
Mais le plus spectaculaire, pour nous Européens, est à droite où l'on apprend beaucoup de choses sur les populations natives de la plus haute ville du monde. L’architecte bolivien Freddy Mamany a conçu ici un salon de eventos à la manière des grandes salles qu’il construit pour ses immeubles d’El Alto, cette ville-champignon de la banlieue de La Paz.
Les bâtiments de Freddy Mamani obéissent à une organisation précise : au rez-de-chaussée des boutiques et des appartements destinés à la location, le premier étage est consacré à un large espace où sont célébrés mariages et fêtes communautaires, et au dernier étage se situe la luxueuse habitation du propriétaire, appelée chalet.
L’architecte revisite le vocabulaire et les motifs stylisés de sa culture Aymara et produit ici son premier projet hors de son pays natal, dans une débauche de couleurs inspirées des textiles amérindiens, mais tout de même bien plus sobre que ses créations situés dans sa terre natale ...
L’exposition des motifs géométrique se prolonge dans la grande salle du sous-sol, dans un joyeux mélange d’art ancien, populaire et contemporain. J’y ai notamment remarqué une grande toile de Guillermo Kuitka, carrément jaune. En s’approchant, on s’aperçoit qu’il s’agit du plan d’une maison d’arrêt, organisée autour d’un point central qui rappelle l’architecture panoptique mais sans doute aussi les vestiges des sites précolombiens.
Plus loin encore les magnifiques peintures faciales des Kadiwéu du Mato Grosso qui fascinèrent les explorateurs, les anthropologues, puis les artistes européens, dont Claude Levi-Strauss en 1935-36.
Bref, nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant de connaître l’art et les artistes sud-américains …
Géométries Sud, du Mexique à la Terre de Feu, exposition à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, bld Raspail Paris 14ème, tous les jours à partir de 11h., jusqu’au24 février, 10,50€