Une promenade au cimetière de Montparnasse
Bientôt la Toussaint ...
Une promenade qui vous fait sentir fabuleusement vivant !
Il y avait plus de 10 ans que nous n’avions pas fait cette balade insolite parmi les grands hommes – et femmes – disparus. Il n’y a pas plus calme derrière les hauts murs qui enserrent cette parcelle verte de 19 hectares, qui fut inaugurée en 1824 et constituait alors un espace hors les murs.
Difficile en revanche de retrouver une sépulture en particulier tant la surface est utilisée au cm² près.
La numérotation des divisions démarre à partir de la place centrale où veille la statue du Génie du sommeil éternel … J’avais avec moi une liste de personnalités avec la partie où on pouvait les trouver, mais j’ai rapidement renoncé. Il fallait simplement « tomber » sur l’un ou l’autre des personnages célèbres : hommes politiques, intellectuels, artistes … qui sont inhumés ici, un endroit très chic et donc très recherché.
Un raccourci de la société bourgeoise : des monuments grandiloquents aux pierres tombales les plus dépouillées, parfois démunies de toute inscription. Un joyeux mélange des symboles : dans la mort, tout le monde se réunit : catholiques, juifs, bouddhistes, athées … Je n’ai pas vu de tombe musulmane.
Certaines familles ont choisi la simplicité, d’autres la magnificence. Il y a des modes, parfois les caveaux en hauteur en forme de chapelle très en vogue au XIXème siècle, sont à touche-touche ... Mais qui vient encore s'y recueillir ? Pour ma part, certaines démonstrations de puissance me semblent dérisoires.
La première sépulture sur laquelle je me suis arrêtée est celle du dessinateur Gus, que j’ai connu et auquel j’ai jadis commandé une illustration pour le journal de mon entreprise. Avec une anecdote : il avait choisi de caricaturer un dieu du vent soufflant à l’encontre d’un navire toutes voiles dehors et ce dieu présentait le profil des pires caricatures antisémites de l’entre-deux guerres. Je lui avais demandé de le modifier … et c’était d’autant plus étrange qu’il était juif ! Il voisine avec Henri Langlois, le créateur de la cinémathèque française ….
Nous cherchions la tombe de Raymond Barre, dans la 18ème division. Nous ne l’avons pas trouvée.
En revanche, nous avons admiré celles de Constantin Brancusi, de l’architecte Baltard (toute de guingois, un comble !), d'Alphonse Boudard (L’hostobiographie) avec le rappel de ses titres de résistance, la sobriété toute protestante de celle de Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères et Premier ministre de De Gaulle, cousin de ma marraine Marie-Claire de Commynes, celle de Serge Gainsbourg toujours fleurie et de Valérie Benguigui, toute rose, le monument dédié à la famille Boucicaut, fondatrice du concept des Grands magasins, le buste de Sainte-Beuve … sur la dalle de Marguerite Duras, chacun s’invite à déposer un crayon …
Certains ont connu la célébrité et d’autres sont à jamais oubliés, mais ils se rappellent à notre souvenir par une sépulture magnifique : qui se souvient de Sylvia Lopez, la sublime épouse du compositeur populaire des années cinquante Francis Lopez, foudroyée à 26 ans par une leucémie ? Qui a jamais entendu parler du député de la Moselle blessé à mort pendant les journées de juillet 1848, Auguste Dornès ? La jeune génération a-t-elle une idée de la pionnière de l’aviation que fut Maryse Bastié ?
Bref, à mon sens, le souvenir des trépassés ne doit pas encombrer l'espace des vivants. C’est dans le cœur que nous portons ceux qui nous ont aimés et que nous avons chéris.
Mon père disait toujours qu’il ne voulait en aucun cas finir avec une dalle de granit sur le ventre, dans un endroit où il serait la plupart du temps livré à la solitude.
Il a demandé à être incinéré, et je ferai comme lui !