Bleu de Prusse
"On est une semaine avant le cinquantième anniversaire d’Hitler, et un meurtre est commis à Berchtesgaden, son village, sur la terrasse du Berghof, le nid d’aigle du Führer. Il ne faut surtout pas qu’un tel sacrilège soit rendu public. Bernie est obligé par le général Heydrich de découvrir le coupable, et il n’a qu’une semaine… Toutes les strates de la corruption au sein du Reich sont mises au jour, toutes les tares du régime nazi, c’est très très mélancolique.» Ainsi parle Caroline Aubert, l'éditrice de Philip Kerr, à propos de ce douzième épisode de la saga de Bernhard Gunther.
L'auteur savait-il déjà, alors qu'il écrivait ce roman, qu'il allait mourir si vite, à 62 ans ?
Car ette dernière aventure est particulièrement violente, et les réflexions de Bernie Gunther encore plus désabusées qu'à l'accoutumée. On y parle d'obéissance et de transgression, de devoir et d'engagement, d'honnêteté intellectuelle aussi. A la veille du second conflit mondial qui sera cataclysmique pour l'ensemble du monde et surtout pour l'Allemagne, on mesure le désarroi de ceux qui refusaient d'adhérer à l'idéologie nazie et à ses dérives.
Comme dans le roman "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell paru en 2006 et qui obtint le prix Goncourt, Bleu de Prusse décrit la mécanique de corruption généralisée qui touchait tous les caciques du régime mis en place à partir de 1933 par Hitler. On les savait criminels et pour la plupart psychopathes ... on oubliait que ces dirigeants pensaient avant tout à s'en mettre plein les poches.
Bleu de Prusse se déroule sur deux époques : avril 1939 - l'enquête classique sur un meurtre motivé par la vengeance - et octobre 1956 où Bernie s'est retiré à Saint-Jean Cap Ferrat ( il a alors 60 ans), même s'il continue à professer le plus grand mépris pour les Franzis. Pourchassé cette fois par d'anciens collègues passés au service de la redoutable Stasi, la police politique de l'Allemagne de l'Est, il manque de peu de disparaître dans les tunnels qui abondent tant dans la montagne du Führer que dans les mines de quartz de la frontière lorraine, du côté de Freyming-Merlebach.
Un thriller complexe et violent, qu'on ne peut lire sans se dire que ce sera le dernier ... à moins qu'il en reste un ultime, encore entre les mains des traducteurs ...
Bleu de Prusse, thriller de Philip Kerr, traduit de l'Anglais par Jean Esch, éditions du Seuil, 664 p., 22,50€