Peintures des lointains au musée du quai Branly
Voici une originale collection d’œuvres picturales qui fut commencée à l’occasion de l’Exposition coloniale Internationale qui se tînt à Paris de mai à novembre 1931 sur 110 hectares du bois de Vincennes et vit la construction du musée des Colonies de la porte dorée avec son aquarium exotique et aussi le rocher du parc zoologique.
Ce Musée de la France d’Outre-Mer, en 1937, est le troisième musée le plus visité en France après le Château de Versailles et le Louvre …
Dans cette collection de peintures aujourd’hui présentée Quai Branly, certaines ont été commandées spécialement pour orner le palais de la porte dorée … mais d’autres sont bien antérieures car le romantisme du voyage aux antipodes est une constante de l’esprit des Lumières tout comme le romantisme, la fascination de l’Orient, la magie du voyage, l’illustration d’un roman bestseller du XIXème siècle : Paul et Virginie de Bernardin de Saint Pierre.
Le propos est ici de retracer l’évolution du regard des français sur les sociétés et les territoires lointains, réels ou rêvés, depuis la fin du XVIIIème siècle jusqu’aux années 50.
Pêle-mêle, dans une profusion de couleurs chatoyantes, on rêve des grands espaces coloniaux : lumière, désert, exotisme, romantisme, onirisme, naturalisme, propagande coloniale et exaltation des bienfaits sanitaires et éducationnels des troupes coloniales, curiosité malsaine des moeurs des « sauvages » et stéréotypes divers.
De grandes fresques mettent en images – fort belles au demeurant – les apports des productions coloniales végétales et minérales à l’économie de la métropole : 5 grands panneaux de Géo Michel informent le visiteur sur les matières en provenance de ces pays lointains …
C’est naturellement souvent une mise en scène de la valorisation de la colonisation auprès des peuples « primitifs » auxquels les européens avaient le devoir d’apporter les bienfaits de la civilisation (la doxa de Jules Ferry).
A quelques années de la seconde guerre mondiale et à la veille de l’éveil de la revendication légitime à l’indépendance et à l’autodétermination des peuples …
Ce qui explique la si longue mise à l’écart de cette collection longtemps politiquement « taboue ». C’est parfois bien dommage car de grandes fresques évocatrices du trafic des ports, des marchés d’Afrique du Nord, plusieurs portraits du grand explorateur Pierre Savorgnan de Brazza et, pour moi qui suis fan de style Art Déco, les superbes laques de Jean Dunand auquel une salle a été réservée.
A noter aussi, parmi les autres, quelques tableaux et dessins d’artistes illustres : Lucien Lévy-Dhurmer, Paul Gauguin, Emile Bernard et Henri Matisse … Mais l’ensemble est de haute tenue, digne d’être montré en un temps où l’idéologie colonisatrice n’a plus aucun cours et où les esprits sont apaisés.
Peintures des lointains, exposition jusqu’au 6 janvier au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, ouvert chaque jour sauf le lundi – 10€