Hiroshige, monographie par Matthi Forrer
Matthi Forrer est conservateur des arts japonais au Musée National d’Ethnologie (Museum Volkenkunde) de Leyde et spécialiste internationalement reconnu dans son domaine. Il est une référence pour les œuvres d’Hokusaï et d'Hiroshige et je comprends que l’éditeur de somptueux livres d’art Citadelles et Mazenod ait fait appel à lui pour ce recueil de 300 reproductions du maître du paysage. J’ai donc lu avec beaucoup d’attention le texte d’accompagnement de ce livre-somme – à plusieurs sens du terme puisqu’il coûte bien plus qu’un livre ordinaire.
Je parlerai donc d’abord de la présentation de ce recueil. La qualité des reproductions est particulièrement soignée. Chaque page tirée sur papier relativement mince est pliée en double, les couleurs sont fidèles – je peux en juger puisque j’ai vu un grand nombre de ces estampes dans les musées et lors d’expositions, j’en possède plusieurs – les agrandissements de motifs pertinents. C’est donc un régal pour les yeux, un livre que tout amateur d’estampes japonaises peut s’enorgueillir d’avoir dans sa bibliothèque.
Cependant, la lecture du texte ne m’a pas apporté beaucoup d’éléments nouveaux. Peut-être s’agit-il d’une traduction peu élégante, mais j’ai noté un grand nombre de redites et un plan assez peu clair. Certes, les éléments biographiques sont éclairants même si l’on sait peu de choses de la vie personnelle d’Hiroshige (1797 – 1858), mais bien des aspects de la technique du maître restent dans l’ombre au profit d’une énumération chronologique parfois fastidieuse des différents motifs.
Bref, je suis restée sur ma faim. Je me console en tournant les pages des séries d’Hiroshige – en tout, il en a publié soixante chez une trentaine d’éditeurs différents - et qui gardent une grande part de leur mystère : comment elles furent publiées et firent l’objet de retirages à l’initiative exclusive des éditeurs, pour quelle utilité largement populaire, comment l’artiste ne se gêne pas pour «s’inspirer » de guides touristiques dont il adapte les images sans même « aller sur le motif ». Il s’agit de milliers d’images dont les premiers recueils datent de 1818, et dont la production accélère à partir de 1832, à partir du moment où Hiroshige abandonne sa charge de pompier de faction au château du shogun et sa caste de samouraï pour se consacrer à l’estampe.
Ce qui compte surtout, c’est l’influence de l’art d’Hiroshige sur les peintres occidentaux. La vogue en France intervient à travers Claude Monet, Edmond de Goncourt et Félix Bracquemond. Monet déclare qu’il a découvert Hiroshige lors d’un voyage en Hollande en 1878, en achetant des paquets de thé enveloppés dans certaines de ses estampes. Mais Hiroshige influence aussi directement Whistler, Vincent Van Gogh, Auguste Rodin, Camille Pissarro, Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard lui doivent beaucoup … C’est donc un enrichissement réciproque – les peintres japonais du XIXème siècle ont adopté progressivement les techniques de la perspective à occidentale et bénéficié des dernières découvertes chimiques qui mettent à leur disposition des couleurs stables et économiques – le fameux bleu de Prusse …
Bref, ce livre fut mon plus « gros » cadeau de Noël, largement téléguidé de ma part, mais j’attends une autre biographie raisonnée de cet artiste dont je suis toujours et encore plus fan.
Hiroshige, monographie sous boîtage carton toilé (37,5 x 32 x 5 cm), par Matthi Forrer édité par Citadelles et Mazenod – 288 p., 179€.