Histoires de la mer, essai de Jacques Attali
Après s’être attaché – ou attaqué ? – aux bruits, à la musique, au temps, à la foi, au destin de l’Occident (j’en oublie …), Jacques Attali, génial essayiste polygraphe nous parle aujourd’hui de la mer … Vaste programme, dirait le général …
Comme toujours, j’éprouve une impression de « déjà lu » et puis je me rappelle opportunément que depuis plus de cinquante ans – Jacques Attali faisait partie de la même promotion de l’ENA que mon mari – l’auteur émet des prédictions qui se réalisent. J’en veux pour preuve ses idées décoiffantes sur les objets nomades développées dès 1990 dans « Signes d’horizon ». Je n’y croyais guère, alors … mais il avait raison.
Alors, partons aujourd’hui avec lui sur la mer jolie pour nous enseigner que tout vient de l’océan et que tout risque d’y mourir si nous n’y prenons garde. A part le premier chapitre un peu difficile à avaler – même l’auteur nous indique qu’il est possible de sauter cette partie liminaire – le reste est assez accessible, malgré l’avalanche de statistiques. La mer est notre origine et risque d’être notre ultime aboutissement. Car « c’est donc par la mer que passera une part essentielle de notre richesse future. Et c’est par elle que nous pourrions mourir. » Brrr …
La thèse majeure de cet ouvrage est de nous rappeler que la puissance appartient aux Nations qui ont su mettre en œuvre une réelle stratégie maritime et côtière, dans le passé comme pour l’avenir. A ce propos, la France, mais aussi l’Allemagne et la Chine, disposant d’un arrière-pays assurant sa subsistance, n’ont jamais saisi les opportunités de développement sur mer … à part peut-être au cours des dernières années pour ce qui est de la Chine.
D’où l’importance des ports, des détroits, des routes maritimes qui pourront s‘ouvrir grâce ou à cause du réchauffement climatique, des flux de données passant par les câbles sous-marins, les extraordinaires avancées technologiques que furent le gouvernail d’étambot, le chronomètre, la roue à aubes, le conteneur … et la nécessité de sauvegarder la biodiversité des espèces, de maîtriser la surpêche, de limiter la production des plastiques, d’assurer l’absorption du CO² ou de limiter la surexploitation du sable … Nous savons tout cela mais il n’est pas superflu de nous le rappeler.
De graves périls menacent les océans. Je reste cependant perplexe devant la faiblesse des solutions ici proposées pour y remédier ; Jacques Attali serait-il blasé face à l’inertie des gouvernants devant les menaces écologiques ??? Ou tout simplement lucide ???
Histoires de la mer, essai de Jacques Attali, édité chez Fayard, 343 p., 29,90€