Détective, fabrique de crimes ? - exposition à la Bilipo
Il est un lieu bien discret à Paris, niché au rez-de-chaussée d’un immeuble moderne qui héberge avant tout une caserne de pompiers : la bibliothèque des littératures policières ou, pour les initiés, la Bilipo. Une sorte de conservatoire de tout ce qui tourne autour des faits-divers, du crime et de l’espionnage, où vous pouvez venir chaque après-midi consulter – mais pas emprunter – tous les polars et les collections de revues dédiées aux crimes et aux faits divers, cette presse à sensation qui sert de terreau, d’inspiration aux romans policiers.
Un paradis pour les amateurs, donc. Et en plus, la bilipo présente une exposition passionnante sur la plus importante revue de faits-divers de l’entre-deux guerres : Détective.
Qui n’est pas la première du genre, car les journaux illustrés du début du siècle réalisent déjà un très fort tirage (L’œil de la police, lancé en janvier 1908, avec le symbole des Pinkerton, prospère jusqu’en 1914). Mais Détective va professionnaliser le genre, entre scoops et images chocs, « papiers » confiés aux grands écrivains de la maison Gallimard, techniques de marketing (jeux-concours …) modernes, et parfois aussi bidonnages. Un phénomène de société – l’appétit du public pour le sordide – qui perdure aujourd’hui à travers les réseaux sociaux.
En octobre 1928, l’éditeur Gaston Gallimard lance avec l’aide des frères Kessel un hebdomadaire destiné aux faits divers. Détective embauche une rédaction de grands reporters expérimentés (Larique, Roubaud, Danjou, Bringuier) et publie aussi des grandes signatures Gallimard (Kessel, Carco, Mac Orlan). Pendant douze ans, Détective, malgré les critiques de tous bords, des surréalistes à la droite catholique, multiplie les unes sensationnalistes sur les grandes affaires criminelles de l’époque (les sœurs Papin, l’affaire Violette Nozières, l’affaire Weidmann, la mort du Conseiller Prince…) jusqu’à parfois se voir interdire d’affichage ou de vente pour outrage à la moralité, publie de grands reportages exceptionnels sur les bagnards ou les tsiganes d’Europe de l’Est, accumule les révélations sur les affaires qui alourdissent le climat politique de l’époque, crée enfin une formidable archive du crime.
Véritable succès de vente pour les éditions Gallimard, ses recettes vont même permettre à la maison d’édition Gallimard de résister à la période difficile de la crise économique.
L’exposition est proposée en accès libre, c’est une perle pour les aficionados de la littérature policière comme moi. A consommer sans modération.
Détective, fabrique de crimes ?, exposition à la Bibliothèque des littératures policières, 48-50 rue du Cardinal Lemoine – Paris 5ème, jusqu’au 1er avril, en libre accès de 14 h à 18 h.