La danseuse, film de Stephanie di Giusto
Etrange comme un film, lui aussi en costumes de l'époque 1900, captive et séduit ... et pas d'autres. Cette biographie romancée de la fameuse danseuse Loïe Fuller est un modèle de rythme, de sensibilité, de beauté pure ...
Sans doublure, sans effets spéciaux, comme son intérprète d'aujourd'hui qui n'était pas, comme elle, danseuse de métier, voici comment cette jeune américaine a conquis un succès considérable en France et à l'étranger à la Belle Epoque, avec un concept totalement nouveau : une danse fondée sur des effets scénographiques inédits, une immense et arachnéenne robe de soie mue par des tiges de bambou, et sur laquelle se projettent des lumières de couleurs et des effets stroboscopiques, tout en se reflétant dans d'immenses miroirs.
L'interprétation est remarquable : la chanteuse Soko (dont j'ignorais l'exitence jusqu'à présent !), Mélanie Thierry (qui joue la collaboratrice et compagne de Loïe Gabrielle Bloch), François Damiens, patron des Folies Bergère, Jean-Do de Lencquesaing, directeur de l'Opéra et la rayonnante et fugace Lily-Rose Depp, qui incarne Isadora Duncan, qui fut lancée par sa compatriote Loïe et la surpassera à partir de 1902.
Le scénario est subtilement romancé : le personnage du comte Louis d'Orsay, joué par le superbe Gaspard Ulliel, largement inspiré de Boni de Castellane, est purement fictif. Il réussit cependant à approvoiser l'artiste, sans la détourner de son inclination lesbienne. De même, Loïe Fuller ne dansa jamais à l'Opéra de Paris. Dans ce film, les décor sont somptueux et très bien reconstitués : certaines scènes ressemblent - et ce n'est pas un hasard - à des tableaux de Maurice Denis, les décors 1900 - je pense tournés à Prague - sont vraiment crédibles.
Ce qui compte surtout, c'est de montrer la difficulté technique et physique de cette création absolument originale et jamais renouvelée : la lourdeur de la performance, la volonté sans faille de la créatrice, son opiniatreté à faire breveter ses procédés scéniques inédits.
C'est le triomphe de l'Art Nouveau et du symbolisme dans la danse, avec justement les prémices de la révolution qu'opérera Isadora Duncan, le travail des équipes d'électriciens et d'éclairagistes qui ravissent les intellectuels de ce temps : Mallarmé, Rodin, les frères Lumière ...
Imaginons que lors de l'exposition universelle de 1900, la Loïe Fuller avait son propre théâtre, construit par Henri Sauvage !
C'est un premier film superbe ...