L'inspecteur Singh enquête à Singapour, polar de Shamini Flint
Musarder dans une librairie permet de faire des découvertes … Ainsi ce titre m’a sauté aux yeux puisque je suis fan de Singapour. L’auteur en est une jeune femme – elle pourrait être ma fille – qui a inventé un personnage d’inspecteur de police tout à fait atypique.
C’est un sikh – avec la barbe et le turban, et il s’appelle naturellement Singh – suant et bedonnant, affublé d’une emmerdeuse mais excellente cuisinière d'épouse. Il porte immanquablement des tennis blancs aux pieds et une chemise blanche sur un pantalon noir … et n’est pas bien vu de sa hiérarchie incarnée par le terrible superintendant Chen. Car son sens de la nature humaine lui permet de résoudre des énigmes particulièrement sombres et Singapour ne peut pas se permettre de l’écarter dans un pays où la criminalité est une rareté si précieuse à l’image internationale, surtout lorsque la victime est un expatrié …
L’inspecteur Singh exerce à Singapour quand il n'est pas envoyé en missions dans d'autres pays d'Asie. Il navigue donc entre toutes les communautés qui cohabitent de façon harmonieuse dans la cité-Etat : les Chinois implantés depuis le début du XIXème siècle, les Malais, les Indiens, les Philippins – qui sont surtout des Philippines, irremplaçables employées de maison (ou maids), les expatriés ou « talents étrangers » qui occupent des postes de cadres dans la finance ou les firmes juridiques …
Justement, l’associé majoritaire d’un cabinet d’avocats d’affaires réputé est retrouvé sauvagement assassiné à sa table de travail. Tous les associés sont suspects, plus ses deux épouses – la première et surtout la seconde, qui fut la maid philippine qui l’a séduit et s’est faite épouser.
Préjugés de caste, préoccupations politiques d’un gouvernement qui n’entend pas se mettre en porte-à-faux sur sa politique de développement, racisme intercommunautaire affleurant, opprobre attaché à la communauté homosexuelle, code pénal ultra sévère (la peine de mort est applicable en cas d’homicide mais aussi en cas de détention de plus de 40 g. de drogue) directement issu de la période coloniale … L’enquête s’avère particulièrement complexe. Avec son jeune adjoint le brigadier Fong, Singh résoudra l’affaire après plusieurs cadavres et bien des péripéties …
Shamini Flint tient un personnage haut en couleurs et particulièrement original. En tant qu’ancienne avocate de haute volée, elle livre ici une radiographie des petites et grandes infamies d’une importante firme anglo-saxonne dans un pays en plein développement. C’est subtil, caustique, bien documenté et tout à fait agréable à lire, surtout quand on connaît comme moi les décors luxuriants de Singapour : l’hôtel Raffles, les bars de Clark Quai, les autoroutes urbaines, les belles maisons ornées de colombages noir sur crépi blanc, les appartements chics et les bars louches de Chinatownn, la chaleur accablante de midi lorsqu’on marche dans les rues écrasées de soleil comme la pluie tropicale qui vient de temps en temps la tempérer…
La série des enquêtes de l’inspecteur Singh compte encore trois épisodes … Je sens que je vais me les procurer !
L’inspecteur Singh enquête à Singapour – polar de Shamini Flint, traduit de l’anglais par Dominique Brotot, édité chez Marabout – 334 p., 12,90€.