"La critique est aisée ...
, ... mais l'Art est difficile" écrivait en 1732 Philippe Destouches, comédien et auteur qui n'a pas laissé d'oeuvre majeure à la postérité.
Comme Monsieur Jourdain, je compose des critiques littéraires - et cinématographiques - depuis des années, sans en connaître les règles ! Quel scandale ...
C'est tout récemment que je me suis demandée s'il en existait. Car autant il est naturel de faire partager son opinion personnelle sur une lecture nous ayant enthousiasmé ou déçu, autant je trouve irrespectueux et inadmissible de traîner dans la boue et de couvrir d'injures un auteur dont le défaut - parfois - est simplement le manque de talent. Surtout que, dans la plupart des cas, les si sévères censeurs sont bien incapables de publier quoi que ce soit de lisible .... à quelques exceptions près (je pense à François Truffaut pour le cinéma, mais il n'injuriait pas les cinéastes !)
Pourquoi cette brusque poussée d'adrénaline ? Parce que dans l'espace-temps d'une quinzaine, j'ai lu dans la Presse - Le Figaro littéraire de la semaine écoulée sous la plume de Sébastien Lapaque (par ailleurs écrivain dont je n'avais jamais entendu parler et qui ne me donne pas du tout envie d'acheter un de ses ouvrages) - ou sur la Toile - sur le site collaboratif Babelio mais sous pseudo - deux critiques absolument ignobles de livres que j'avais pour ma part beaucoup appréciés. La première portait sur le dernier opus de Pierre Lemaitre "Trois jours et une vie" et la seconde sur "Les arbres ne nous oublient pas" de Michèle Perret.
Dans l'un et l'autre cas, je me suis sentie, en tant que lectrice compulsive, trahie. D'autant plus que Claude venait de terminer le roman de Lemaitre avec passion et que lui non plus ne comprenait pas la critique du Figaro .... Et pourtant, nos inclinations littéraires sont rarement en accord, lui et moi.
Suis-je donc aussi stupide, béni-oui-oui, moutonnière sans discernement pour avoir lu d'une traite ces deux ouvrages pourtant si différents, et déclaré haut et fort combien je les avais aimés ? Quel est le motif sous-jacent qui fait prendre la plume à certains pour déverser un torrent d'insanités sur leurs auteurs ? Besoin de se démarquer à tout prix, rancoeurs politiques, rivalités éditoriales, jalousie devant le succès, mesquineries universitaires ou grossièreté foncière ?
C'est ainsi que je me suis demandée à mon tour si ma propre outrecuidance à produire des critiques - que personne ne me commande - n'était pas totalement en dehors des canons du genre ... J'ai trouvé sur le Net un document tutoriel conçu pour les élèves de Seconde, qui explique comment il faut s'y prendre pour faire une critique "normée". Un petit clin d'oeil en passant à Camille, ma petite-fille dévoreuse de livres .... Ouf, je crois qu'inconsciemment, j'ai répondu à tous les critères ...
Je continurai donc à faire partager mes coups de coeur et mes coups de gueule. Même s'il m'est arrivé d'être fort sévère avec des livres ou des films qui m'avaient ennuyée, déçue ou révoltée, je n'ai pas jugé nécessaire d'utiliser l'invective ou l'injure. La critique est conçue pour faire partager à ses proches une libre opinion (on en a de la chance, non ?), qui permette aux lecteurs fidèles d'avoir un aperçu avant d'acheter un livre ou de voir un film, et pas pour humilier l'auteur.
Bon, je me calme : ces polémiques ont au moins un avantage pour les lecteurs : susciter la curiosité et faire vendre ... C'est ce que je souhaite à Pierre Lemaitre (qui n'a nul besoin de mon soutien) et surtout à Michèle Perret !
N.B. : au cas où vous n'auriez pas reconnu les portraits des critiques les plus célèbres du XIXème siècle, voici Sainte-Beuve, Ernest Renan et Hyppolite Taine ... et François Truffaut !