Saint Amour, film de Benoît Delépine et Gustave Kervern
Comment parler de la détresse humaine, de la solitude et de la difficulté de communiquer en faisant s’esclaffer les spectateurs : c’est tout l’art de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Après le touchant « Mammuth » en 2010 que j’avais beaucoup aimé, j’avais été déçue du film « Le grand soir » réalisé par la même équipe décoiffante en 2012. Avec Saint-Amour, on retrouve une verve – très masculine – et des dialogues percutants, des situations surréalistes et pleines de tendresse. Une leçon d’optimisme, qui pourtant commence et finit dans les allées du Salon de l’Agriculture !
Trois hommes à trois stades de leur vie. Le père qui veut passer la main de son exploitation à son fils de cinquante ans complètement accro à l’alcool, et qui partent « faire la route des vins » en taxi, avec un jeune chauffeur qui trimballe lui aussi sa valise de complexes. Un road-movie classique en forme de parabole, qui enchaîne les sketches déjantés.
Une vision inattendue, tendre et positive de la condition humaine et de la misère psychologique au quotidien. Mais filmée rapidement, en décors et en lumière naturels, avec pas mal de carburant ! Bourgogne, côtes du Rhône, Languedoc, Bordelais, vins de Loire …
A chaque étape sa rencontre insolite : une jeune serveuse terrifiée devant le montant de la dette publique et l’impossibilité de réduire le déficit de notre pays, la jolie fille qui n’ose pas assumer d’avoir un compagnon agriculteur, la dame convenable qui accepte de « dialoguer » avec le père, l’employée de l’agence immobilière, l’amazone aux yeux verts … On boucle avec le premier prix du meilleur taureau charolais.
Gérard Depardieu, tout en finesse et légèreté, tient un bien joli rôle et laisse gentiment la part du lion à Benoît Poelvoorde, sublime dans sa description des dix étapes de l’alcoolisme. Vincent Lacoste, craquant comme à son habitude, un peu mythomane mais tellement attendrissant … et puis les femmes, à peine esquissées mais qui sont indispensables à la rédemption de nos trois héros : Céline Salette, la Vénus aux yeux verts, Chiara Mastroianni, Andréa Ferréol, Izia Higelin, Ana Girardot. Sans oublier l’apparition surprise de Michel Houellebecq en marchand de sommeil.
Quarante ans après « Les Vaseuses », une leçon d’amour, saint ou pas, foisonnante et sympathique … qui fait du bien, particulièrement en ce moment.