L'Hermine, film de Christian Vincent
Parmi les films de prétoire, j’avais jusqu’ici pour références Douze hommes en colère (1957) de Sidney Lumet et La Vérité (1960) d’Henri-Georges Clouzot. J’aurai à présent aussi L’Hermine de Christian Vincent. Un réalisateur très discret dont je ne citerai que deux film que j’ai beaucoup aimé aussi : « La discrète » et « Les saveurs du Palais ».
Ici, peu d’effets de manches, seule l'émotion domine. Le héros Michel Racine a la réputation d’être une peau de vache, un Président de cour d’Assises à « deux chiffres » : qui vous en colle au moins pour dix ans. Sa femme, excédée, l’a mis dehors du domicile conjugal en attendant leur divorce. C’est un homme éminemment antipathique. Mais c‘est un magistrat qui travaille à fond les dossiers dont il a la charge, et se fait de la recherche de la vérité un devoir absolu, qu’elle soit en faveur ou non de l’accusé qu’il a devant lui.
Ici, il s’agit d'une terrible affaire d’infanticide. Un bébé de 7 mois est mort d’un coup à la tête. Le père, après une très longue garde à vue, a avoué les faits, ne pouvant plus supporter les pleurs de sa fille, jour et nuit, sans discontinuer. Il est en prison préventive. Sa femme était enceinte de 5 mois au moment du drame. C’est un jeune couple complètement dépassé … On apprendra en effet que l’enfant était atteinte d’une sténose du pylore, qui provoque des douleurs intenses et des vomissements en « fusée » particulièrement graves … Mais qui a aidé les jeunes parents déboussolés ?
Au début du procès, on assiste à la désignation du jury. A la grande surprise du Président, une femme est tirée au sort : c’est le médecin anesthésiste qui l’a réanimé plusieurs mois auparavant, lors d’un long séjour à l’hôpital à la suite d’un grave accident. Et il était jadis tombé amoureux d’elle, sans aucun signe de retour, il l’est toujours … Il va tenter de faire sa conquête, mais sans rompre un seul instant les impératifs de la procédure …
Au-delà de la « bluette » entre deux quadragénaires un peu cabossés par la vie, voici une analyse précise de la façon dont se déroule un procès d’assises, le rôle des jurés dans toute leur diversité, leurs interrogations, l’appui que leur apportent les juges assesseurs, la mission du Président qui essaie de faire surgir une vérité qui n’apparaît pas dans les procès-verbaux d’interrogatoires, la faiblesse de l’instruction qui se contente ici trop rapidement des aveux, un inspecteur de police bien trop jeune et qui croit bien faire mais interprète les dires du suspect … Une démonstration simple du fonctionnement de la Justice.
Evidemment, le jeu de Fabrice Luchini est superbe, et sa partenaire Sidse Babett Knudsen – pratiquement sans accent – éblouissante. Mais je ne néglige pas non plus la vérité des jurés, les vrais acteurs de cette pièce de théâtre, avec leurs doutes, les explications pédagogiques du Président, pleines de nuances … J’ai, comme toujours, apprécié Corinne Masiero et son profond accent du Nord, ou le jeune flic Raphaël Ferret, qui tient un rôle similaire dans la série « Profilage ».
C’est un film convainquant, très bien documenté (ce qui est loin d'être le cas de beaucoup de films policiers), rassurant pour le justiciable que tout un chacun peut devenir. A revoir à la télévision avec plaisir !