Ardennes 1944, par Antony Beevor
La critique de Claude :
Décembre 1944 : les armées alliées, essentiellement américaines, menacent le Rhin, la région industrielle de la Ruhr et toute l’Allemagne de l’ouest. En Pologne, l’Armée soviétique se prépare à l’assaut final vers Berlin. Les civils allemands sont écrasés par les bombardements aériens anglo-américains ; des gamins de 15-17 ans sont recrutés comme « Volksgrenadiere » et sommairement équipés.
Pourtant, la machine de guerre allemande tient encore : carburants et munitions parviennent encore aux combattants, les « armes nouvelles » promises par Hitler (le V1) font 5000 victimes en Belgique entre octobre 44 et mars 45. Hitler, plutôt que de se préparer à l’Est, rêve de recommencer le « coup de faux » qui a si bien réussi contre la France en 40 : bousculer les Américains dans les Ardennes, et foncer vers Anvers.
Les Ardennes sont un petit massif forestier et agricole glacial en hiver, aux routes étroites et pentues, piège idéal pour les chars et les véhicules. Du 16 décembre au début janvier, elles seront le tombeau de 75 000 soldats américains (plus 1400 anglais), et autant d’allemands. Sans soutien aérien jusqu’au 23 décembre en raison du mauvais temps, les GI’s tiennent coûte que coûte sur le réduit de Bastogne, démentant la réputation méprisante que leur font les chefs allemands. Les divisions blindées de la Waffen SS viennent se broyer sur les défenses américaines.
Le plus grand talent de Beevor, c’est de nous faire vivre la guerre du point de vue des combattants : la faim, le froid, l’horreur quand un char est touché et incendié, les scènes goyesques des infirmeries de campagne, et quelques scènes grotesques entre généraux de haut vol, dont l’ambition dépasse la compétence.
Les Ardennes sont un Verdun dont les civils n’auraient pas été préalablement évacués ; leur sort sera d’autant plus terrible qu’ils avaient souvent bien accueilli les libérateurs américains.
Donc au total un livre passionnant comme toute l’œuvre de Beevor.
Ardennes 1944, le va-tout de Hitler, récit historique d’Anthony Beevor, publié par Calmann-Lévy, traduit de l’anglais par Pierre Emmanuel Dauzat, 541 p., 26 €