Chefs-d'oeuvre d'Afrique dans les collections du musée Dapper
Le musée Dapper sort (de) ses réserves …
Voici les trésors amoureusement collectionnés par son fondateur Michel Leveau (1930- 2012), auquel cette magnifique exposition rend hommage. Ces témoignages de la richesse de la culture africaine m’enchantent à chaque visite.
Car le musée Dapper (Olfert Dapper, humaniste hollandais du XVIIème siècle, sans avoir jamais quitté son pays, rassembla une énorme documentation puis rédigea une Description de l’Afrique publiée en 1686, synthèse de récits de voyages de commerçants arabes et européens constituant une sorte d’encyclopédie de référence) réunit une collection exceptionnelle à partir de laquelle a été sélectionnée plus d’une centaine d’objets, tous chargés de signification et de symboles.
Bon nombre de ces œuvres ont appartenu à de grands amateurs d’art éclairés : Paul Guillaume, Jacob Epstein, Georges de Miré, Charles Ratton, Louis Carré, René Rasmussen, Helena Rubinstein.
Par leur intermédiaire, on perçoit ce que l’art moderne doit à l’Afrique. Masques, statues et statuettes, parures, armes, autels … chaque objet, en dehors de ses qualités plastiques, tient un rôle au sein des sociétés africaines. Utilisés dans le cadre des initiations, intervenant dans le culte des ancêtres, ils étaient chargés favoriser la venue de la pluie, la fécondité des femmes, la fertilité des terres. Certains objets sont spécialement conçus pour apporter leur efficacité au bon fonctionnement des institutions politiques et religieuses. La sculpture constitue ainsi un moyen de communication très efficace pour maintenir le lien social, politique et spirituel.
Une statuette dont le visage et le corps sont sculptés avec soin met fin au désordre. Mais un objet dont l’esthétique se fonde sur l’accumulation d’éléments hétérogènes, plumes, tissus, matières organiques comme le montre le kafigelejo des Senufo, remplit une autre mission : susciter les forces occultes pour juger et punir les coupables de forfaits.
Je ne peux m’empêcher aussi de remarquer la permanence de certains rituels, incarnés ici, entre autres, par ces superbes figures de reliquaires dont le mode d’utilisation est bien expliqué dans les cartels. Et de comparer avec le culte des reliques au Moyen-Âge européen …
Michel Leveau était un scientifique devenu un mécène mondialement reconnu. Il fait procéder à la datation précise des œuvres par thermoluminescence et Carbone 14. Ainsi découvrons-nous la beauté sévère de cette statue autel Soninke datant du Xème siècle, un bras levé vers le ciel pour implorer la pluie et la lippe boudeuse, ou ces élégantes têtes de femmes en terre cuite du XVIIIème siècle avec leur sourire délicat, évoquant la statuaire Khmer.
L’exposition présente deux grandes sections : l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. Chaque peuple – les Fang, les Kota du Gabon, les Bangwa du Cameroun, les Dogon et les Soninke du Mali, les Baoulé et les Senoufo de Côte d’Ivoire, les Akan et les Asante du Ghana, les Fon du Danhomé comme la figure du roi Glèlè qui brandit ses deux sabres et qui faisait partie du trésor du roi Béhanzin – apporte ses spécificités. Mais ce qui frappe, c’est l’homogéneïté du discours à travers l’espace comme à travers le temps.
Malgré le raccourcissement des distances, nous détenons peu de clés pour comprendre l’Afrique, avec en plus, en arrière-pensée, la plaie non refermée de la colonisation. Il faut venir admirer ces chefs d’œuvre pour tenter de mieux s’approcher de ces cultures finalement pas si étrangères et changer le regard sur les arts africains, tâche à laquelle s’était attelé le fondateur du musée, Michel Leveau.
Chefs d’œuvre d’Afrique dans les collections du musée Dapper, exposition au musée Dapper jusqu’au 17 juillet, 35 rue Paul Valéry 75116 PARIS, de 11 h à 19 h. sauf le mardi et le jeudi - 6€