Lee Kwan Yew, homme des lumières ...
Vous n’en avez certainement jamais entendu parler, et pourtant c’est l'un des hommes d’Etat devenu figure légendaire en Asie, qui vient de s’éteindre ce dimanche à l’âge de 91 ans.
Je me souviens très bien du jour où j’ai appris la mort du Général de Gaulle : j’ai alors immédiatement éclaté en sanglots. Alors, je pense à tous les singapouriens qui doivent pleurer celui qui a fait d’un comptoir colonial sous-développé l’une des régions les plus riches et les plus avancées socialement du monde.
Pour moi, quand je cherche une comparaison, je ne trouve que ces hommes des lumières, un peu « despotiques » toutefois, que furent Pierre le Grand, Mustafa Kemal, Charles de Gaulle et Habib Bourguiba.
Lee Kwan Yew (1923 – 2015) est issu d’une famille chinoise originaire du Guandong, mais il maîtrisait mal le mandarin. Il a fait ses études de droit et d’économie dans les meilleures universités britanniques. Revenu à Singapour en 1949, il intègre le cabinet de John Laycock, qu’il contribue à faire élire en 1951 sur une liste du Parti progressiste pro-britannique.
L’île est alors une colonie de la Couronne et l’objectif de LKY est d’obtenir son autonomie. Il fonde en 1954 le PAP, Parti de l’Action Populaire et devient Premier Ministre de la colonie en 1959. Pour en finir avec la colonisation, il fait campagne pour une entrée de Singapour dans la fédération malaise.
Mais l’union ne fonctionne pas. Des émeutes raciales éclatent : malais contre chinois qui composent la majorité de la population singapourienne. La Malaisie exclut Singapour qui fait sécession le 7 août 1965 et c’est l’indépendance pour l’île-Etat, désormais entourée de menaces.
Dans son discours du 7 août 1965, Lee Kwan Yew déclare que Singapour est désormais une nation « indépendante souveraine et démocratique, fondée sur les principes de liberté et de justice avec pour but la recherche du bien-être et du bonheur du peuple dans une société la plus forte et la plus égalitaire possible. » C’est une profession de foi que bien des leaders d’anciennes colonies ont proclamée mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ailleurs qu’à Singapour ?
Cinquante années plus tard, on ne peut que constater la réussite du modèle social et économique rêvé par Lee et ses successeurs, membres de sa famille politique et fils aîné : un effort continu couronné de succès en faveur de l’éducation, du système de santé publique, du logement social disséminé dans toute la ville et non parqué à sa périphérie, d'un développement économique exemplaire dans une zone privée de ressources naturelles, le tout accompagné d'une politique de préservation de l’environnement …
Des questions encore en débat, certes, il y en a : la liberté d’expression limitée, la quasi absence de multipartisme, la lutte contre la corruption, l’indépendance pour la fourniture d’eau potable (mais d’énormes investissements ont été réalisés), un système pénal comportant encore des aberrations pour les occidentaux (bastonnade, peine de mort), l’opacité des opérations financières ….
Chaque fois que j’en parle, et nous y allons pour la quatrième fois très bientôt, on me jette systématiquement à la figure ces défauts … Mais Singapour est un havre d’ordre et de prospérité où toutes les cultures sont exaltées, où les communautés se respectent, dans une commune tension vers un seul but : travailler et gagner de l’argent pour faire progresser ses enfants … Les Singapouriens doivent beaucoup au vieux sage : il a fait de ce comptoir perdu au milieu du détroit de Malacca un pays de rêve pour les disciplinés !