Gustave Doré, l'imaginaire au pouvoir au Musée d'Orsay
Qui de nous peut se déprendre de penser au Chat Botté autrement que selon l’image qui vient immédiatement à l’esprit, la gravure de Gustave Doré ? Même si nous pensons au facétieux compagnon de Shrek, c’est encore lui …
Changeons de registre : pensons aux films retraçant l’histoire d’Oliver Twist, celui de David Lean (1948) qui m’a donné des cauchemars pendant des années ou celui, plus récent mais non moins effrayant de Roman Polansky (2005). …Toujours, les mêmes vues des sordides ruelles embrumées et des docks de Londres, admirablement illuùstrées par Gustave Doré. Quant à l’Enfer de Dante …
Voici donc une rétrospective éclairante de l’œuvre de Gustave Doré, honoré comme l’un des artistes les plus prolifiques de son temps (1832 – 1883). Ce ne fut pas un artiste maudit car sa renommée fut internationale, ses créations vues et appréciées de tous. Caricaturiste, illustrateur, graveur génial, peintre moins heureux et enfin sculpteur, cet enfant précoce fera vivre toute sa famille par son travail acharné. Aucune œuvre littéraire ne lui fait peur : il illustrera pour l'éternité la Bible, la Divine Comédie, Don Quichotte, Shakespeare, Victor Hugo, Charles Perrault, Balzac, Milton …
Il commence par la caricature et se mesure à Honoré Daumier. Mais c’est sa vision extraordinaire, passée merveilleusement dans ses gravures, qui le rend célèbre dans le monde (en Angleterre où il tient galerie, en Allemagne, en Russie après la guerre de Crimée, aux États-Unis ..).
Un foisonnement, une vision fantasmagorique, onirique, démentielle des éléments et de personnages de romans et de contes … qui restent gravés – et c’est tout à fait le cas de le dire – dans l’imaginaire de chacun aujourd’hui et depuis plus d’un siècle.
L’exposition montre les différents aspects du personnage : il aime faire dans le grand, le pompeux parfois, le pathos religieux souvent. Il souffrira de ne pas être reconnu comme peintre, malgré des morceaux de bravoure démesurés comme « Le Christ quittant le prétoire » une toile qui mesure 54 m² …ou des sujets à tirer les larmes de l'oeil comme "Les Saltimbanques ou l'enfant blessé".
C’est un maître de l’étrange, comme le sont souvent les Romantiques tels Gustave Moreau, William Blake … Certaines de ses toiles – en particulier celles qui illustrent la défaite de 1871 et la perte de l’Alsace où il est né – sont particulièrement sombres. J’y retrouve une filiation morbide avec les dessins de Enki Bilal. En particulier le visage de Marianne face à l'aigle Prussien.....
Venu sur le tard à la sculpture, il produit des allégories marquées par le mouvement et la dramaturgie, des symboles de son état d’esprit sans doute très tourmenté : La Gloire étouffant le Génie (en fait, elle le poignarde), La Parque et l’Amour …
Particulièrement crédible est l’influence exercée par les images conçues par Gustave Doré sur maints auteurs de bandes dessinées et réalisateurs cinématographiques du XXème siècle : la démonstration est éclatante.
Le cinéma et le 9ème art fantastiques, de Georges Méliès à Harry Potter en passant par Tim Burton et Terry Guilliam, doivent beaucoup à Gustave Doré.
Gustave Doré, l’imaginaire au pouvoir, exposition au Musée d’Orsay (11€, fermé le mardi) jusqu’au 11 mai.
N.B. : Je n'ai lu l'article du Monde daté du 27 février qu'après avoir parcouru l'exposition ... Je n'y ai rien retrouvé de mes impressions de visiteuse, et rien compris du propos de son auteur. Comprenne certaines critiques qui pourra !!!