Daniel Iffla-Osiris, destin d'un homme de bien
C’est le journal de l’Institut Curie qui m’a fait découvrir le destin hors du commun de Daniel Iffla, généreux mécène à l’origine de la fondation de l’Institut du Radium. Une trajectoire de vie exceptionnelle, comme il en existait aux temps de la Révolution Industrielle et des bâtisseurs de grandes fortunes financières …
Daniel Iffla (1825 – 1907) est né à Bordeaux dans une famille pauvre sépharade. Il monte à Paris, étudie brièvement au lycée Turgot puis se fait engager comme grouillot chez l'agent de change Moreau. Il se lie bientôt avec les financiers juifs de la capitale – Milliaud, Mirès, Solar, Péreire. Il se montre très individualiste et reste prudent, ne se laisse pas embringuer dans des opérations spectaculaires qui, pour certaines, tournent mal, pratique des investissements judicieux, en particulier dans les chemins de fer espagnols.
En 1854, il tombe éperdument amoureux, malgré l’opposition de sa famille, d’une jeune fille catholique, Léonie Carlier. Quelques mois plus tard, elle meurt en couches avec ses deux jumeaux. Il ne se remariera jamais, et l’attitude négative de sa famille le conduit à prendre ses distances avec sa communauté, et à consacrer désormais toute sa fortune au mécénat.
En 1861, par décret impérial, il adjoint à son patronyme le nom d’Osiris.
Républicain, nationaliste, il voue un culte à Jeanne d’Arc, collectionne les objets ayant appartenu à Napoléon en souvenir de son grand-père Daniel qui fut l’un de ses lieutenants à Toulon, il créée en 1889 le Prix Osiris doté de 100 000 Francs (350 000€).
Parmi ses actions généreuses : il finance l’érection de la statue de Jeanne d’Arc par Frémiet place des Pyramides à Paris, une autre à Nancy (ce qui ne manque pas de sel lorsqu’on songe que le Front National a pour coutume de se réunir autour de la première statue), fait construire sept synagogues, rachète le château de La Malmaison presqu’en ruine et convoitée par un Anglais, achète le domaine de La Tour Blanche à Sauternes pour y créer une école de viticulture, fonde un « Bâteau-soupe » pour les sans-abris de Bordeaux.
En 1903, Osiris remet son prix au Docteur Emile Roux, puis, en 1904 à Marie Curie. Il fait de l’Institut Pasteur son légataire universel et exécuteur testamentaire. C’est grâce au legs d’Osiris (une idée de montage financier de la comtesse Greffulhe) qu’est réalisé le laboratoire pour l’étude de la radioactivité et de ses applications en physique, chimie, biologie et médecine. L’Institut Pasteur reverse plus de 400000 francs pour la construction de l’Institut du Radium qui sera achevé à la veille de la Grande Guerre.
Alors, si on connaît bien les noms de grands mécènes comme Guggenheim, Pierre Bergé, les Rothschild, Cartier, la famille Camondo … qui se souvient de l’excentrique Osiris, qui faisait toujours apposer, sur les bâtiments qu’il finançait, de grandes plaques vantant ses louanges ?
Sources : Le journal de l’Institut Curie et le blog Aschkel.