Quai d’Orsay, film de Bertrand Tavernier
J’avais a-do-ré la bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac, tant le premier que le second tome de cette tranche de vie ministérielle couronnée par le discours emblématique, devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, d’un ministre à la crinière léonine et à la gestuelle aussi violente que ses envolées lyriques sont creuses …
Avec une précision et une fidélité méthodiques, et dans les décors réels des ors de la République, Bertrand Tavernier s’est attaché à traduire la bande dessinée et pas autre chose. Un exercice rarement aussi réussi. Thierry Lhermitte est loin, du point de vue de Claude, d’en faire des caisses. Il sous-joue plutôt … Pourtant, à mon côté, Claude n’arrêtait pas de rire, car tout sonnait à ses yeux tellement vrai. Et, en la matière, il a vécu ces années de Cabinets ministériels où tout le monde travaille dans l’urgence, sans pouvoir à aucun moment, réfléchir … Raphaël Personnaz est tellement tendre, dans le rôle du jeune énarque chargé de fournir les langages …
Le personnage-clé, dans cette équipe, c’est le Dircab, incarné avec finesse, acharnement et subtilité – en un mot, c’est un très grand diplomate – par Niels Arestrup. Ce qui nous effraie, c’est pourtant que personne, parmi les spectateurs, ne se doute que la vie d’un cabinet ministériel, c’est vraiment comme ça. Personne ne peut y croire. Le bordel permanent, les piques entre conseillers, les officiels et les officieux, les voyages, les fiches remises au ministre à la va-vite, la rédaction des questions au Gouvernement et de leur réponse, le déchiquetage des projets de discours où plusieurs intervenants mettent leur grain de sel.
Je ne suis pas surprise que Dominique de Villepin, l’inspirateur de cette comédie, ne soit pas froissé de cette satire. Il est au moins beau joueur ! Et on passe avec lui une excellente soirée !