Le congrès de Vienne, une refondation de l'Europe, par Thierry Lentz
La critique de Claude :
Le Congrès de Vienne (septembre 1814, juin 1815) a laissé un mauvais souvenir aux Français : il a été le lieu de la réaction nobiliaire après l'échec de la Révolution française en Europe, le triomphe des Rois et des Diplomates sans cœur contre les légitimes aspirations des Nationalités, en Italie et en Pologne notamment. Et tout cela en s'amusant, ce qui est un objet supplémentaire de détestation.
Mais les Français oublient qu'après l'écrasement des armées de Napoléon, ils auraient pu être traités comme en 1940, et perdre par exemple l'Alsace-Lorraine, ou la Franche-Comté, enfin les excellentes frontières que nous a assurées Louis XIV. Les Français avaient déjà ėvacuė les " Bouches du Tibre" et la "Sambre et Meuse". On ne leur a rien demandé de plus, sinon l'Ile Maurice.
A qui doivent ils d'avoir échappé à la catastrophe? A l'habileté et au bluff de cette vieille ficelle de Talleyrand, envoyė là par le clairvoyant Louis XVIII ? A l'heureuse doctrine anglaise de l'équilibre européen, qui ne voulait pas d'une Russie, d'une Autriche ou d'une Prusse surpuissantes, ou au fait que les 4 vainqueurs de l'Empire étaient trop occupés à dévorer leur proie (la Pologne, la Rhénanie ou l'Italie du Nord) pour s'en prendre à la France encore puissante ?
Tout cela nous est raconté par Thierry Lentz avec une élégance de plume rare chez les historiens. Nous admirons au passage ces diplomates qui travaillent sans téléphone ni télévision, dans ce monde qui vit comme au Moyen-âge et qui pense déjà presque comme au XXeme siècle. En 1815, tout est prêt, dans les esprits scientifiques, pour les inventions de la chimie, de la mécanique, de l'anesthésie, de la télégraphie.
Le Congrès de Vienne, si l'on excepte le dépeçage de la Pologne, a construit une Europe solide pour accueillir le Progrès. Elle ira cependant à sa perte, volontairement, en 1914.
Editions Perrin, 381 pages, 24 €