Un requiem allemand, thriller historique de Philip Kerr
Ce troisième volet de la Trilogie berlinoise se situe à Berlin et à Vienne en 1947.
Les fiers immeubles de style wilhelmien de l'ancienne capitale du Reich, à présent divisée en quatre secteurs, ne sont plus qu’amas de décombres, on ne reconnaît plus aucun tracé de rues, les habitants continuent à se terrer dans les caves, quelques berlinois ont regagné leurs appartements éventrés. Il fait froid, le marché noir est omniprésent. C’est dans cette ambiance très « Allemagne, année Zéro », le beau film de Roberto Rossellini, que nous retrouvons Bernardt Günther, marié depuis sept ans à Kirsten, qui fait des « extras » pour se procurer du café et d’autres denrées en provenance du PX, auprès d’un capitaine de l’armée américaine d’occupation.
L’angoisse est partout palpable dans l’ancienne capitale du Reich "de mille ans", en particulier dès que l’on voit apparaître les Popovs, toujours entre deux cuites à la vodka, et friands de montres et de chair fraîche. Une ville tout ce qu’il y a de dangereux.
Bernie Günther a de la chance d’être encore vivant. On l’a vu intégrer par force la SS dans l’épisode précédent « La Pâle figure », mais nous apprenons qu’il s’est fait muter à sa demande sur le front plutôt que de participer aux exactions des Einsatzgruppen si bien décrites dans « Les Bienveillantes ». Il a été fait prisonnier par les Russes, il s’est évadé juste avant d’être déporté dans un camp à l’espérance de vie plus qu’aléatoire, et en a profité pour apprendre le russe. Le voici redevenu détective privé. Une nouvelle mission l’appelle à Vienne, où la vie est plus douce qu’à Berlin. On lui demande de prouver l’innocence d’un ancien flic comme lui, un allemand pas très net, trafiquant, suspecté d’avoir assassiné un officier américain.
L’intrigue est embrouillée à souhait. Les services secrets américains et soviétiques s’entremêlent, y compris la sourde guerre entre différents services de renseignements américains (Counter-Intelligence Corps en particulier) : la question centrale étant à la fois d’intoxiquer les Russes et de faire la chasse à d’anciens criminels de guerre nazis reconvertis en une organisation secrète destinée à reconstruire la nouvelle Allemagne. Difficile de s’y retrouver, mais l’intérêt du livre réside dans la description de l’ambiance poisseuse de ces années d’immédiat après-guerre, juste à la veille du blocus de Berlin, la description des états d’âme des différents protagonistes – les Français n’ont pas le beau rôle - et le suspens de bagarres admirablement mises en scène.
Du sang, des coups, des meurtres, des tortures…. De quoi tourner un terrible film d’aventures !
Un requiem allemand, roman par Philip Kerr traduit de l'anglais par Gilles Berton, publié avec "L'Eté de cristal" et "La pâle figure" en édition de poche policier, 1016 p. 9,90€