Le piège diabolique, BD d'Edgar P. Jacobs
Une dernière - pour la saison - incursion dans le monde de Blake et, surtout cette fois, Mortimer.
Edgar P. Jacobs s’exprime ainsi dans son livre « Un opéra de papier », à propos de son album « Le piège diabolique » : « bénéficiant des expériences astronautiques modernes, j'ai pu - contrairement à H. G. Wells dont l'engin n'était qu'un simple siège non caréné et dont le voyage dans le temps fût programmé en l'année 802701 - imaginer une cellule plus conforme aux normes d'un engin franchissant le gouffre du temps à la vitesse de la lumière. Il fallait, entre autres, prévoir pour le véhicule la possibilité de rouler, de culbuter, d'encaisser les chocs sans trop de dommages ni pour lui-même ni pour son passager. C'est pourquoi j'ai adopté cette forme sphérique qui donne à l'appareil, quelque soit sa position, non seulement les meilleurs garanties de sécurité, mais lui assure en outre une résistance maximale aux pressions extérieures. Dans les anneaux cerclant la capsule centrale sont noyés des circuits dans lequels circule l'énergie nécessaire au fonctionnement. Afin de respecter les règles traditionnelles de la science fiction transtemporelle qui veut que les différents "transferts" se passent tous dans un site topographiquement immuable, il me fallait trouver un endroit de grande ampleur, présentant un intérêt géographique, statégique et historique se prêtant à l'évocation d'événement passés ou futurs. »
Voici donc un épisode encore moins vraisemblable des aventures de Blake et Mortimer que les précédents, une expérience à la quelle Philip Mortimer se livre seul – Francis Blake n’intervient que lors des deux premières et dernières pages, et surtout, le seul album où le traitre absolu, Olrik, n’apparaît pas. Ici, le méchant est feu le professeur Miloch, dont nous avons fait la connaissance dans « SOS Météores », archétype, comme le professeur Septimus (La Marque jaune) du savant fou.
Le piège diabolique est donc un voyage dans le temps, du crétacé au 51ème siècle, avec un bref passage au moyen-âge, pendant la révolte des Jacques. Le Professeur Miloch, ravagé par les radiations après ses expériences maléfiques, vient de mourir. Il a légué au Professeur Mortimer, son ex-adversaire, son ultime découverte : la machine à remonter le temps ou chronoscaphe. Mais voilà, il en a saboté les commandes et Mortimer se retrouve prisonnier dans l’infini des temps. A tâtons, utilisant ses compétences de physicien, il va se débrouiller avec l’appareil pour, en trois étapes, rejoindre le temps présent tout en risquant mille fois d’y laisser la peau, et en combattant aux côtés des faibles, veuves et orphelins du passé comme de l’avenir.
Il s’agit d’une histoire totalement science-fictionnesque, recouvrant une réflexion plus profonde sur le monde avenir que E.P. Jacobs envisage très sombre. A noter que lors de l’édition en album, en 1962, l’œuvre fut interdite à l’importation en France, « en raison de nombreuses violences et de la hideur des moyens illustrant ce récit d’anticipation. » Cependant, les décors dans lesquels évolue Mortimer sont d’une beauté et d’une précision fantastiques, images d’un cataclysme post nucléaire (et orthographique) d’une criante mais sans doute faible vérité.
Et le voyage à travers le temps est un genre classique en littérature : je ne citerai que « Mickey à travers les siècles » qui enchenta mon enfance, et plus près de nous le thème identique choisi par l’écrivain cuzornais Thierry Delrieu dans sa trilogie « Les voyageurs du temps ». Et moi, après le château de Bonaguil, cette BD me donne furieusement envie d'aller visiter le site de La Roche Guyon !
Le piège diabolique, BD D'Edgar P. Jacobs, éditions Blake et Mortimer tome 9; 15€