Les "colonies industrielles" de Catalogne
Un patrimoine sauvegardé entre terre
et mer
Pendant près de vingt ans, j’ai travaillé dans le secteur du financement du logement des salariés (en France, le « 1% »). Une exposition sur les cités industrielles de la haute Catalogne ne pouvait que m’attirer.
Situées sur les hautes berges des fleuves Ter et Llobregat, dans la montagne, les cités industrielles catalanes se distinguent par l’existence de multiples services qui permettaient aux travailleurs de mener leur vie quotidienne sans sortir de l’espace de la cité.
L'exposition « Colonies industrielles », organisée au Musée d’Histoire de Catalogne, justement dans un immense Magasin général du port reconverti à la manière de la Tate Modern de Londres, conjointement par le ministère de la Culture et politique des médias et des Travaux publics de la Generalité de Catalogne et le Collège des Journalistes de Catalogne, montre de façon particulièrement claire et didactique, pour la première fois, ce phénomène des colonies.
Les extraordinaires réalisations des architectes visionnaires qu’on admire le long des avenues de Barcelone n’auraient pas été possibles sans la réussite financière des mécènes tels Eusebi Guëll, passé à la postérité à travers Antoni Gaudi. L’industrialisation a permis à la Catalogne d’entrer dans la modernité, qui a contribué à renforcer son identité propre. Les constructions industrielles suivent les courants architecturaux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. La vie quotidienne des habitants de la zone industrielle constitue un phénomène caractéristique unique de l'industrialisation catalane, particulièrement dans le cas des colonies textiles, implantées au plus près de l’énergie ou au lieu d'exploitation même des ressources naturelles dans le cas de la métallurgie et des champs miniers. Dans le nord de la France, les propriétaires des puits de mines construisirent à la même époque les corons, ici, on nomme les cités ouvrières « colonies ». Le logement, l’espace essentiel de la rue (la promenade du soir indispensable à la vie catalane et espagnole), l’activité éducative, les services médicaux gratuits dispensés par la colonie, sa forme d'organisation (rythme d'horaires de travail, vie sociale, loisirs des habitants) ainsi que la vie des « seigneurs de la Tour », ceux qui vivaient dans les splendides demeures de Barcelone forment la trame de l’exposition.
La localisation de la colonie, éloignée de la Ville, sans doute directement liée à l’approvisionnement en eau comme source d’énergie, mais aussi devenue un modèle catalan pour assurer la paix sociale, par opposition aux conflits générés au sein d'usines situées dans les centres urbains. Fournissant une gamme de services (logement, écoles, crèches, commerces, cinéma, théâtre ...) la colonie garantissait ainsi aux travailleurs des conditions de vie décentes, favorables à la productivité et à la qualité, tout en devenant un système de contrôle social par les employeurs.
La continuité entre la vie professionnelle, privée et temps sociaux encourageait la formation d'un lien d'identité fort entre les habitants de la colonie qui, dans de nombreux cas, a survécu jusqu'à aujourd'hui. Pour cette raison, le patrimoine industriel et tout ce qui l'entoure a été largement préservé.
L'exposition présente également les alternatives d'avenir de ce passé industriel, tout en récupérant la mémoire historique, souvent orale, encore vivante de nos jours.
A Barcelone, Museu d'Historia de Catalunya, Plaça de Pau Vila,3 ; www.mhcat.cat , jusqu’au 7 mars, fermé le lundi.