Andy Warhol au Grand Palais
S'il n'était pas mort des suites d'une banale intervention chirurgicale en 1987, Andy Warhol aurait 81 ans aujourd'hui. Il figurerait parmi les monstres sacrés ou les peoples les plus en vue de la planète, en tant que figure emblématique du Pop Art.
L'exposition qui lui est consacrée (jusqu'au 13 juillet) retrace à travers 130 de ses oeuvres, choisies parmi les mille portraits qu'il a produits, une carrière reflêtant la grande prospérité et le pouvoir aux Etats-Unis et en Europe, à partir de 1967.
De cet artiste "icône" des temps modernes, on croit tout
savoir....Quelle erreur !
Ceux qui parlent trop vite évoquent un processus de création industrielle...On oublie qu'il a commencé à travailler dans la communication, le design, la mode. Reproche-t-on à Titien, Rubens, Fantin-Latour, Boldini d'avoir été des portraitistes mondains, produisant à la commande ?
Andy Warhol est le maitre de la technique de son temps, et d'abord c'est un extraordinaire photographe. Ses visages de stars transcendent le regard. Même à partir de séries de photomatons (voir les attitudes d'Ethel Scull à gauche). Les couleurs qui leur sont associées, une palette d'une extrème sensibilité, nous laissent une infinie sensation de douceur...ou de violence (Lenine). Et surtout, une approche particulièrement contemporaine et cohérente du visage humain. Au tout début de la photographie, certains ont pu se demander si le portrait était un genre définitivement banni en peinture.
Andy Warhol est le génie du portrait du XXème siècle, un génie dynamiteur, qui ne se prend pas au sérieux. Un portrait hyper réaliste, qui exprime et met en valeur. Les modèles ne pouvaient qu'adorer. Elles se bousculaient, le payaient des fortunes..
Je ne résiste pas au plaisir de citer la critique d'"Ouest-France", à propos du portrait qui sert d'affiche à l'exposition, Ethel Scull, 36 fois, particulièrement éclairante : "Le portrait d'Ethel Scull est un tournant dans son travail de
portraitiste, rôdé sur des coupures de presse de criminels en fuite,
d'Elvis Presley, Liz Taylor, Nathalie Wood, Warren Beatty, Troy
Donahue...C'est le début d'un business assumé. « I want to be a machine »,
dit-il (Je veux être une machine). À la Factory, son atelier, foyer de
la vie underground new yorkaise et de l'hallucinante musique du Velvet,
il enchaîne désormais les commandes. Encaisse. C'est 25 000 $ le
premier panneau, 15 000 $ le suivant..."
Comme tous les grands peintres, l'oeuvre est aussi jalonnée d'auto-portraits.
Les polaroïds d'Andy en Drag Queen m'ont particulièrement émue. La tristesse, la douceur du regard, la peur et la fascination de la mort...tout y est.
Les grands portraits déstructurés de ses amis Frédéric Bastiat et Keith Hardings aussi.