Le fabuleux destin de Juliette Lacaze
Je vous avais bien dit que je vous reparlerai de l'épouse de Paul Guillaume.....
Il était une fois une jeune fille très belle, et très maline. Née à Millau, Juliette Lacaze monte à Paris et exerce le métier de vendeuse de gants dans une boutique de la rue La Fayette…. est-ce ici ou ailleurs qu’elle rencontre Paul Guillaume, celui qui deviendra l’extraordinaire découvreur de talents et le marchand de tableaux célèbre ?
Qu’importe.
Il l’épouse et elle participe à la formation de l’extraordinaire collection d’art qui formera le fonds aujourd’hui exposé au Musée de l’Orangerie.
Paul Guillaume est un marchand d’art avisé, portraituré à foison par ses fournisseurs. Il porte à bout de bras Chirico, Derain (à droite), achète Picasso, Cézanne, Utrillo, Soutine, Modigliani, tant d’autres.
C’est un homme de santé fragile, il n’a pas été incorporé pendant la Grande guerre et met à profit ce temps pour acheter des peintres inconnus. Il poursuit un rêve : créer un musée Paul Guillaume. car il n’entend pas réserver sa merveilleuse collection à ses seuls regards. Sa galerie est ouverte, et au-delà, son appartement constitue un vrai musée d’art moderne.
Il ne s’entend pas toujours très bien avec sa femme, qui elle, traîne les cœurs après elle. Elle change de prénom et devient Domenica.
Ses portraits (Derain, Marie Laurencin - ici à gauche) irradient. Un soir de colère, Paul lui déclare qu’il souhaite changer son testament et, sauf si elle a un enfant de lui, léguer sa collection et sa fortune à l’Etat s’il venait à disparaître
Car il y a longtemps que la belle a rencontré Jean Walter, brillant architecte international et entrepreneur de talent, propriétaire lui aussi d’une grande fortune grâce à ses investissements dans les mines de phosphates de Zellidja au Maroc. La rencontre entre Jean et Domenica relève du coup de foudre. Jean, marié et père de trois enfants, se sépare de son épouse.
Jean et Paul se lient d’une complexe amitié. Certes, ils aiment la même femme, mais Paul ne veut pas céder la place. Les deux hommes se respectent, admirent réciproquement la réussite de l’autre. Une fois séparé de corps d’avec son épouse, Jean Walter récupère un grand appartement.
Les époux Guillaume vont venir s’y installer avec lui, au-delà du scandale, Domenica obtient ce qu’elle veut. Jusqu’à ce que, en 1934, à 42 ans, Paul Guillaume soit emporté par une péritonite aiguë mal soignée. Selon Paris-Match, son épouse le soigne "avec des incantations, des passes magnétiques et un pendule, il ne fait pas long feu."
Par crainte de perdre la succession de Paul et sa fameuse collection, Domenica va simuler immédiatement après la mort de son mari, une grossesse, aidée par un faux certificat médical. Elle se promène avec un coussin sur le ventre, puis se procure illégalement un petit garçon, déclaré sous le nom de Jean-Pierre Guillaume. Le temps passe, Domenica épouse Jean. Elle est bientôt deux fois veuve et deux fois millionnaire ….
Et nous la retrouvons en 1959 dans une sombre affaire de tentative d’assassinat sur la personne de son fils adoptif.
Jean Walter, lui, est décédé d’un accident de voiture en 1957, Domenica s’est consolée avec l’amant du moment, le Dr Lacour. L’affaire qui éclate présente tous les traits d’un scandale crimino-mondain : le frère de Domenica, Jean Lacaze, se serait abouché, avec la complicité du Dr Lacour, avec un ancien homme des services action de la France Libre, le commandant Camille Rayon, bel homme qui tient un restaurant à Antibes (il serait le modèle du « Gorille ») et a gardé bien des contacts, pour faire disparaitre Jean-Paul Guillaume, l’héritier encombrant.
Claude et moi nous souvenons très bien de cette ténébreuse affaire, nous avions 13 ans, et elle faisait les choux-gras de Paris-Match ou de Détective, des sujets entiers lui étaient consacrés dans la célèbre émission d’information « Cinq colonnes à la Une »…
Que s’est-il réellement passé ?
La conclusion fut sans doute un non-lieu dans lequel prit place la négociation, menée par André Malraux lui-même, qui aboutit à la cession de la collection Walter-Guillaume à l’Etat, avec la condition que celle-ci fut montrée au public « à part », et qui trouve aujourd’hui asile au Musée de l’Orangerie.
De là à penser que la cessation des poursuites contre Domenica Walter ait servi de contrepartie…..Je n’irai pas jusque là. Mais tout de même…..Quel talent !