Histoire de Jacqueline et Pierre - Dernière partie
Voici donc le troisième volet de l'histoire de Jacqueline et Pierre
Briot, auxquels nous pensons souvent. Et tant que les personnes
auxquelles nous pensons ou faisons référence dans nos discours sont
présents dans notre mémoire, ils sont toujours vivants....
Histoire de Jacqueline et Pierre Briot - dernière partie.
Une ambulance au
Palatinat
Après le 8 mai, Jacqueline arrive aussi dans le sud ouest
de l’Allemagne ; nos deux héros vont-ils se rencontrer ? La
Roche-sur-Yon est libérée en aout 1944 : on a plus que jamais besoin de la Croix-Rouge, pour
soigner les blessés, accueillir les déportés et les prisonniers, recueillir les
réfugiés auxquels tout manque. Pour Jacqueline et sa famille, les derniers mois
de guerre ont été très durs, avec son frère Guy parti au maquis de la Vienne – celui
qui avait eu l’audace de subtiliser un pistolet allemand en juin 1940.
Jacqueline, qui a acquis de l’expérience et a le sens du
commandement, se voit proposer un poste d’infirmière en Allemagne : il
s’agit de gérer une ambulance Croix-Rouge dans une gare du Palatinat, où
passent prisonniers, déportés et soldats en voie de rapatriement vers la France.
Appuyée par quelques secouristes, Jacqueline, qui a 25 ans,
soigne, réconforte, rhabille, nourrit. Elle aussi rencontre de Lattre :
son Etat-major est à quelques kilomètres du Poste Croix-Rouge ; il en
passe l’inspection, et, quand il apprend que la petite infirmière est, comme
lui, vendéenne, il l’invite à sa table. Jacqueline aura ainsi connu le
somptueux ordinaire du Commandant en chef français en Allemagne. Pierre est
sans doute passé par ce poste, en tout cas il en a conservé le souvenir, mais
ce n’est pas l’origine de leur couple.
Démobilisés et
remobilisés
Jacqueline est rentrée à La Roche-sur-Yon, et exerce dans
la paix le métier d’infirmière qu’elle a appris si rudement dans la guerre. A
vrai dire, elle s’ennuie peut-être un peu, et reste célibataire jusqu’à 34 ans.
Elle a en effet renoncé à retrouver un jour son fiancé de 1940, aviateur perdu
dans le combat de Dunkerque. Un secret dont elle parlera si peu, et jamais à
Pierre. Ses loisirs sont surtout consacrés aux équipes secouristes Croix-Rouge,
qu’elle forme et encadre.
Dans cette colonie, orgueil de ce que l’on appelle alors,
sans complexes, l’œuvre civilisatrice de la France, on construit, des routes, des écoles, des
hôpitaux, des ports. Partout, il faut de l’électricité, et Pierre, justement, a
appris, sur le tas bien sûr, le métier d’électricien. Il monte à Abidjan une
petite entreprise d’installation électrique.
Pierre, jeune entrepreneur bien dans sa peau, revient en vacances en Métropole tous les étés. Un jour de l’été 54, il participe à un mariage en Vendée, pays qu’il ne connaît pas : il y rencontre Jacqueline, ils se parlent, ils dansent, ils se plaisent, ils se reverront très vite. Il lui demande sa main, et elle dit oui. Il l’emmène donc à Abidjan.
Jacqueline est devenue la gestionnaire de l’entreprise,
faisant rentrer les impayés avec la même énergie qu’elle déployait pour
organiser les secours. Elle est moins populaire que son mari chez certains
clients nonchalants, mais la trésorerie de l’entreprise en est soulagée.
Comme elle est arrivée avec sa réputation Croix-Rouge, le
Comité local lui demande de créer en Côte d’Ivoire une activité
secouriste : comme Pierre, elle aussi va montrer son aptitude à travailler
en confiance avec les Africains.
A l’été 1958, les nouvelles équipes secouristes ivoiriennes
vont, hélas, avoir l’occasion de montrer leur savoir-faire : le
Territoire, qui n’est pas encore indépendant, expulse brutalement les Togolais
et les Dahoméens d’Abidjan. Quinze mille malheureux, poursuivis dans les rues
de la capitale, trouvent refuge dans le port bananier d’Abidjan. La directrice
du secourisme contribue à organiser le soutien et les soins. Elle s’appuie sur
des cadres secouristes togolais et dahoméens qu’elle a formés à Abidjan.
Elle recevra, pour son
action, les plus hautes distinctions de notre pays et de la Croix-Rouge internationale : la
médaille Henri Dunant, puis la médaille Florence Nightingale – une décoration
remise à Genève, décernée tout les deux ans à un maximum de cinquante personnalités
dans le monde, parfois à titre posthume…..
C’est une présidente créative, qui mobilise les puissants pour la Croix-Rouge, et se fait aimer de la base. C’est ainsi que la confiance des militants de la Croix-Rouge la porte au Conseil national dont elle devient Administrateur.
A Paris, elle est écoutée, et on sait utiliser ses compétences, notamment en Afrique : elle est chargée de développer des relations étroites entre les CR d’Afrique de l’Ouest, celle du Benin notamment, et la CRF.
Mais la retraite sera pour eux
deux un moment plus difficile. Nous avons essayé de leur faire oublier les
petites et grandes misères de cette période, et nous y avons parfois réussi. Chaque
année, ils venaient passer les premiers jours de mai au Calfour, aimant nos
enfants comme les enfants et donc les petits enfants qu’ils n’avaient pas eus, laissant des
souvenirs, des expressions verbales, des témoignages très vivaces. Ainsi, nos
filles ont eu le rare privilège d’avoir connu trois couples de grands-parents.
Aujourd’hui, ils nous manquent, mais ceci est une autre
histoire.