Le mystère La Pérouse, ou le rêve inachevé d'un roi
Exposition au Musée national de la
Marine, jusqu’au 20 octobre.
Voici une
visite – je dirais même plus une plongée – dans l’atmosphère du siècle des
lumières, excellemment présentée avec des commentaires écrits et audio (à deux
niveaux : pour les visiteurs rapides et pour ceux qui en veulent plus). La
fameuse expédition confiée à Jean-François de La Pérouse par le roi Louis, passionné de sciences et
cartographe lui-même à ses heures, pour un tour du monde, destinée à compléter les
trois voyages de James Cook, mort en 1779 (la rivalité entre les deux grandes
puissances s’exerçait aussi sur le plan scientifique).
Après une
longue préparation, une certaine forme d’espionnage économique puisqu’un des
membres de l’expédition va se faire portraiturer à Londres par William Hodges
qui avait participé aux voyages de Cook, tout en lui « tirant les vers du
nez », ce qui va permettre de mieux lutter contre le scorbut et
l’utilisation d’une forme de quinine, l’expédition
de Monsieur de La Pérouse (44 ans) embarque enfin, sur les deux vaisseaux
« La Boussole » et « L’Astrolabe », une troupe de
scientifiques : botanistes, cartographes, ingénieurs, charpentiers,
chirurgiens et artistes en sus de l’équipage. 226 hommes quittent donc Brest le
1er août 1785 pour un voyage planétaire, prévu pour au moins quatre
années. Tout au long de son périple, la Pérouse parvient à transmettre, au fur
et à mesure de ses escales, les rapports, les découvertes faites en chemin, de
sorte que la relation de son voyage, publiée après sa mort, deviendra un
best-seller, imprimé aux frais des nouvelles autorités révolutionnaires.
Accrochez-vous,
voici l’itinéraire : Brest, Madère, Ténérife, île Sainte Catherine (Brésil),
La Conception (Chili), île de Pâques, Hawaï, Port des Français (côte sud de
l’Alaska), Monterey (Californie), Manille, Macao (1787), Manche de Tartarie
(Sibérie), Petropavlosk (Katchamka), Maouna (Samoa), Botany Bay (côte est de
l’Australie)…….et puis ….plus de nouvelles. Une forte tempête, une île de
190km2 (11°37’ latitude sur et 166°58’ longitude nord), entourée d’une infranchissable
barrière de corail. On sait que les deux vaisseaux coulèrent aux abords de
Vanikoro (îles Salomon aujourd’hui), après plusieurs missions de recherche
tentées au cours du XIXème siècle, et depuis la localisation en 1828, de la
première épave.
Ce qui est
particulièrement émouvant aujourd’hui, est de retrouver (grâce aux multiples
campagnes d’archéologies maritimes entreprises par l’association Salomon, entre
autres) les objets de bord de ces marins perdus, dont une petite centaine
purent pendant plusieurs années trouver refuge sur l’île même, y construire un
camp, bâtirent un navire de fortune et purent s’embarquer, certains restant sur
place. Cependant, plus aucun ne donna de nouvelles.
Cette
expédition extraordinaire permit de préciser les rivages d’un nombre
incommensurable de côtes jusque là pas ou mal cartographiées, donna des renseignements
économiques et scientifiques inédits, constitua un acte exemplaire de la
philosophie des Lumières. Sa fin demeure un mystère, celui de la mort de Monsieur
de La Pérouse : était-il vivant avant la tempête de Vanikoro ?,
était-il parmi les survivants du camp de Païou, s’est-il embarqué dans le
navire de « fortune » pour fuir l’île ? On peut tout
imaginer…une bonne trame pour une série du genre « Lost », mais il
faudrait les moyens d’Hollywood ; en tous cas, cela ferait un bon paquet
d’épisodes…parce que je ne vous ai pas tout raconté !