Affaire terminée, j'arrive ! - Chapitre 9
Chapitre 9 : Mai 1940….
Jean : C'est alors la "drôle" de guerre, mais avec mes fonctions qui me prennent beaucoup, je ne vois pas passer le temps. Je fais part à mon Capitaine de mon désir de passer en section le plus vite possible, mon tour de permission arrivant. Il nomme donc un remplaçant. Après Noël, je pars pour Casablanca et en cours de route, je fais la connaissance d'un camarade qui se trouve être le beau-frère de Marcel Cerdan. Nous faisons route ensemble. A Casablanca, nous nous invitons réciproquement avec comme principal convive, Marcel Cerdan, qui commence à être très populaire par ses victoires.
Ce grand mois de permission se passe on ne peut mieux, j'étais presque gêné d'être en civil, parmi tous les militaires, ainsi j'avais toujours à la boutonnière l'insigne, modèle réduit, de mon régiment. Et c'est le retour en France, mon régiment a changé de secteur et le service routier me dirige sur Forbach.
Je subis mon premier bombardement aérien à Tergnier, alors que nous sommes en gare. Tout est chamboulé et je vois pour la première fois du sang et des victimes un peu partout. J'arrive enfin dans le secteur de ma 10° Compagnie, après avoir marché plus de deux heures sous un violent bombardement. Fatigué, mais assez satisfait de moi car j'appréhendais l'épreuve du feu. Je m'en étais tiré sans émotion, alors qu'autour de moi, beaucoup n'étaient pas très fiers.
Je me présente à mon chef de section, que je devais seconder, lequel me reçoit comme un chien dans un jeu de quilles, me disant que j'aurais bien pu rester là où j'étais, que nous étions tous foutus, car les Allemands nous tiraient comme des lapins. Et le fait est que ça tirait de toutes parts, sans discontinuer .... Nous étions le 10 mai au matin.
Je prenais ça avec calme et sang-froid, ce qui n'était pas son cas. Il faut dire qu'il était militaire de carrière, ancien adjudant-chef promu sous-lieutenant, et pas très loin de la retraite ! Nous avons été relevés par une unité polonaise et sommes partis vers l'arrière en marchant toute la nuit.
Arrivant au petit jour à un carrefour, il y a un attroupement autour d'une ambulance. Je jette un coup d'œil : sur un brancard, l'officier qui nous a relevé est là, mort, avec deux ou trois hommes. Un tir d'artillerie a fait sauter l'abri de la section où nous nous tenions.
Nous sommes alors dirigés sur le camp de Mourmelon, pour nous refaire en matériel et en santé. Le régiment est reconstitué, car il y a pas mal de manquants. Un jour, des autobus parisiens viennent nous prendre et nous emmènent du côté de Reims. Nous cantonnons à Sommes-Suippes, pas longtemps car nous partons à pied, cette fois, direction Rethel.
Nous croisons sur notre route de nombreux soldats, affolés et désemparés, pas loin de la panique qui se répand vers l'arrière.
Nous prenons position dans la plaine au dessous de Villedomange, qui se trouve sur la montagne de Reims, le 11 juin.
Nous creusons nos tranchées et observons l'horizon d'où nous arrive un barrage roulant d'artillerie. J'aperçois un détachement motocycliste un peu sur ma gauche. Le temps de trouver un emplacement de tir convenable, le feu se déclenche de toutes parts. En tir plongeant, les Allemands nous canardent depuis le clocher du village. Mon groupe se trouve à l'extrême droite du dispositif, aussi ce sont les groupes situés à ma gauche qui dégustent le plus.
Le lieutenant de Montrond, commandant la compagnie, est mortellement touché. Mon chef de section, moins grièvement atteint, doit être évacué ainsi que d'autres blessés. Je prends donc le commandement de la section. Pendant plus de deux heures, nous voyons retraiter pas mal de soldats de notre régiment, mais n'ayant pas d'ordres, nous restons sur place, vigilants.
A la tombée de la nuit, le calme rétabli et me sentant isolé, je commande le repli. C'est alors que de la crête des collines qui nous surplombent et que nous longeons nous arrive une pluie de balles, heureusement que c'est d'assez loin et de ce fait, pas très précis on dirait une nuée de frelons qui nous cherchent. Nous marchons quelques kilomètres comme ça et arrivons au poste de commandement du bataillon. Tout le P.C. pensait que ma section était anéantie depuis la mi-journée, car l'ordre de repli m'avait été envoyé, mais on ne m'avait pas trouvé. Tout le monde s'apprêtant à retraiter, nous suivons le mouvement.
Je rencontre le commandant Campana qui commande le régiment et à qui je fais mon rapport sur les opérations de la veille, au moment où il évacue son P.C. Retraitant la nuit, prenant position au petit matin, nous arrivons le 15 juin dans les environs de Méry sur Seine, où, sur le chemin longeant le canal, un char allemand nous barre la route. Nous sommes environ trois cents : en vitesse, je jette ma mitraillette dans le canal ...
Nous sommes donc pris.
Parmi le groupe où je me trouve, il en est un seul que je connaisse: le sergent Grosjean, celui qui a pris ma suite comme chef-comptable.