Les Bourbons dans la Révolution, par Maria-Sofia Mormile

Jusqu’à la lecture de cette thèse très agréable à lire, je n’avais pas compris les ressorts des conflits qui, depuis la Fronde, avaient secoué le sommet de l’Etat et les multiples rébellions contre le roi de France et ses innombrables cousins, princes du sang : les Condé, les Conti, les Bourbons et les Orléans …

Cet ouvrage retrace les relations et les rapprochements dans l’adversité entre les différentes branches de la famille royale bannie de France après l’exécution de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Les difficultés de l’exil comme la nécessité de continuer à tenir leur rang ne font pas disparaître les rancœurs mais vont néanmoins conduire les principaux chefs de branches à renouer des liens – d’allégeance ou d’intérêt.

Si la Restauration après 1815 est une période peu souvent évoquée, les années qui la précèdent le sont encore moins. Maria-Sofia Mormile raconte ici les pérégrinations des principaux acteurs de cette époque postrévolutionnaire en Europe, à travers les trajectoires de contemporains.

Le prince de Condé, père de Bourbon, est né en 1735, Provence – futur Louis XVIII - en 1755, Artois, dernier petit-fils de Louis XV, est né en 1757, le duc de Bourbon en 1756 et le duc de Chartres, titré duc d’Orléans après l’exécution de son père Philippe-Egalité, en 1773.

Cette prestigieuse cousinade a vécu son enfance dans les mêmes lieux, la même cour, a épousé des filles de cette nébuleuse.

Il faut d’abord se reporter à l’arbre généalogique de la dynastie des Bourbons (en page 324) pour comprendre ce qui relie et sépare les trois branches des Bourbons, toutes aussi fières de leur sang issu de l’ancêtre Louis XIII et donc d’Henri IV – et aussi mêlé à celui d'une fille légitimée de Louis XIV !

Deux figures sortent du lot : celle du comte d’Artois, futur Charles X, et celle de Louis-Philippe d’Orléans, le dernier roi des Français. Louis XVIII n’apparaît que tardivement.

Entre Artois et Orléans, un ressentiment et une divergence politique de taille : Orléans s’est engagé dans les armées de la république, à Valmy notamment, mais avec Dumouriez, il en a été déçu. Artois ne pense qu’au principe de droit divin de la royauté. Et toute une partie de l’énergie des princes du sang va œuvrer à se faire reconnaître – particulièrement en émigration – comme membres de la famille royale.

Car un prince ne conçoit son existence qu’au sein d’un système qui légitime et reconnaît la supériorité de son rang. Néanmoins, les douleurs de l’exil vont permettre le rapprochement des différentes branches. Imprégné des idées nouvelles, Louis-Philippe affirme sa personnalité et se désolidarise de son père, mais il lui en reste des séquelles. Artois s’efforce de le ramener au sein de la famille, mais il souhaite aussi supplanter Provence, le prétendant légitime … surtout lorsque ce dernier manifeste des velléités d’accepter une monarchie constitutionnelle.

Complexité des liens inter-dynastiques entre la France, l’Espagne, les Deux-Siciles, l’Angleterre, permanence, siècle après siècle, du conflit entre la Couronne et les princes du sang, délitement de la dynastie des Bourbons qui perd un à un ses héritiers potentiels … sauf chez Louis-Philippe, c’est toute une analyse psychologique d’une famille face à l’adversité, qui revient au pouvoir après les désastres napoléoniens.

Deux ouvrages pour connaître la suite : La Restauration d’Emmanuel de Waresquiel et Benoît Yvert et L’été des quatre rois, roman de Camille Pascal.

Des travers qui ressemblent furieusement aux combats politiques actuels où l’on voit se déchirer les héritiers des pères fondateurs de notre Vème république. Car au tout début, n'oublions pas l'opposition farouche des Parlements au pouvoir absolu du roi ... Permanence de nos défauts fondamentaux ?

N.B. : encore un livre découvert grâce à l'émission Historiquement Show !

Les Bourbons et la Révolution, biographie d’une famille en quête d’unité (1789 – 1830) par Maria-Sofia Mormile, édité chez Armand Colin, 357 p., 23,90€.