Folcoche, enquête d'Emilie Lanez

Une large partie des auteurs de romans puise dans ses souvenirs, la matière et les personnages de sa jeunesse, mais sans le dire et en s’appliquant à transposer les lieux, les noms, les époques.

L’écrivain universellement reconnu Hervé Bazin – président pendant plus de vingt ans de l’académie Goncourt - a toujours proclamé que son premier roman Vipère au poing, où il présente sa mère comme une abominable harpie, était autobiographique.

L’enquête menée par la journaliste Emilie Lanez apporte les preuves que ce portrait était en réalité largement fantasmé, destiné à venger le fils contre la froideur et la maladresse de sa mère et, dans le même temps, couvrir de haine et de boue toute sa famille bourgeoise haïe.

Bien entendu, j’ai lu les premiers livres de cet auteur et je ne doutais pas de sa sincérité. Nul n’aurait pu inventer un personnage aussi noir. Encore que la description de sa grand-mère maternelle par Amélie Nothomb dans son dernier ouvrage est, elle aussi, terriblement cruelle …

Voici donc non seulement le récit de la vraie vie de Jean Hervé-Bazin, rejeton révolté d’une illustre famille de juristes, petit-fils de banquier et écrivain de talent – on ne peut lui enlever ses succès littéraires à partir de la parution en 1948 de son premier roman, mais surtout une énigme …

Comment les turpitudes de cet adolescent puis du jeune homme – aisément traçables - ses multiples mensonges, mystifications, escroqueries, cambriolages, les années de prison sans compter les séjours en hôpitaux psychiatriques ont pu être passés sous silence par la république des Lettres pendant toute sa carrière et au-delà jusqu’à aujourd’hui ?

Emilie Lanez livre ici « la construction perverse d’un manipulateur, l’œuvre maléfique d’un mystificateur mal-aimé et amputé de sentiments ».

Il apparaît que Paule, sa mère, n’était effectivement pas doté d’un minimum d’instinct maternel pour aucun de ses fils … à l’exception de son troisième, le seul à avoir suivi le droit chemin. Mais aller jusqu’à ce portrait charge construit par un mythomane aussi malfaisant et revanchard que son fils cadet …

On ne sort pas indemne de cette lecture, si brève cependant.

Folcoche, d’Emilie Lanez, éditée chez Grasset, en petit format, 187 p., 19€ (quand même !)

Comments

[Pascale]

Très intéressant.
Cet auteur a été célèbre et respecté de son temps. Il était même membre de l’Académie Goncourt.
Et pourtant c’était donc un mystificateur !
Cela nous invite à relativiser la véracité de tous ces livres basés sur dés révélations familiales : ces livres sont avant tout les fruits de la réalité telle que la perçoit l’écrivain, ou telle qu’il aime la percevoir.
La page Wikipédia sur cet auteur est éloquente.