Entretiens sur la pluralité des mondes, par Bernard Le Bouyer de Fontenelle
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Je continue la découverte des textes à préparer pour le Bac de Français 2026, avec cet ouvrage d’un auteur dont, je l’avoue humblement, je n’avais jamais rien ni appris ni retenu.
Un centenaire pourtant, longévité exceptionnelle à son époque : Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657 – 1757). Philosophe indépendant, neveu de Pierre et Thomas Corneille, il publie en 1686 ces Entretiens sur la pluralité des mondes qui se veut une entreprise de diffusion de la connaissance scientifique auprès d’un public qui en est, par statut et usage, éloigné, en particulier les femmes. « J'ai voulu traiter de philosophie d'une manière qui ne fût point philosophique [...] ni trop sèche pour les gens du monde, ni trop badine pour les savants. »
Actif au temps du Grand siècle, de l’absolutisme et de l’omniprésence de la religion catholique, est-ce un hasard si son texte paraît l’année qui suit la révocation de l’Edit de Nantes entraînant la persécution et l’exil des Protestants ?
C’est aussi une période qui voit émerger des découvertes scientifiques majeures, comme la thèse de Copernic remettant en cause fondamentalement l’organisation de l’univers, à la place du système antique de Ptolémée qui plaçait en son centre la Terre. Fontenelle se place ainsi dans le clan des Modernes, préfigurant l’esprit des Lumières.
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Pour s’attacher un maximum de lecteurs, Fontenelle choisit le mode du dialogue, celui d’un Philosophe et d’une Marquise à laquelle il va s’efforcer, usant d’un vocabulaire accessible et de métaphores ingénieuses, de décrire rien de moins que le système solaire. Et il ne manque pas de lui suggérer que les planètes qui le composent, à l’instar de la Terre, sont peuplées d’êtres, car pourquoi serions-nous les seuls à habiter notre propre planète ? L'auteur serait ainsi un des précurseurs de la science-fiction !
La Marquise trouve bien du plaisir - c'était bien l'objectif de l'auteur - à discuter avec ce savant qui se met à sa portée, sans doute aussi pour tenter de la séduire, réplique avec pertinence à ses assertions sans rien lui céder au-delà de la décence, et montre que le raisonnement sied parfaitement à une femme, plus réceptive que d’autres à l’information scientifique alors que l’«on ne persuade pas facilement aux hommes de mettre leur raison en la place de leurs yeux ».
J’avoue que je n’ai pas trouvé autant de plaisir à lire ce dialogue que lors de ma précédente découverte des Lettres d’une Péruvienne. Sans doute parce que la description de l’univers est aujourd’hui archi admise – encore qu’il se trouve assez de gens pour penser que la terre est plate et que nous irons bientôt coloniser Mars – il convient donc de replacer cette tentative élégante de vulgarisation dans un contexte scientifique encore fluctuant.
Les découvertes de Copernic seront confirmées par Kepler en 1609 puis Galilée en 1616, mais les thèses de Descartes sur les tourbillons qui sont abondamment citées ici par Fontenelle seront bientôt réfutées. Les redondances sont pénibles – mais la répétition et l’un des outils de la pédagogie – et les digressions parfois ennuyeuses. Encore une fois, je me demande quel élève de première aura le courage d’aller jusqu’au dernier soir de ce badinage philosophique.
L’apport principal de cette édition destinée aux lycéens – et lycéennes – est néanmoins de fournir une méthode pour structurer une dissertation et bâtir un plan logique afin répondre avec pertinence aux questions posées le jour de l’examen.
Des notions que j’ai toujours regretté de n’avoir pas reçues jusqu’en classe terminale. De là sans doute ma piètre performance à l’épreuve de philosophie …
Entretiens sur la pluralité des mondes, par Bernard Bouyer de Fontenelle (1686), éditions Magnard, 224 p., 2,99€