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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 6 petits-enfants.
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7 mai 2025

La République de Weimar, par Jean-Paul Bled

Trois livres, un même auteur, pour continuer à comprendre le funeste engrenage qui a conduit l’Allemagne vaincue de 1919 à la dictature de 1933 : Histoire de la Prusse (2007), Hindenburg (2020), La République de Weimar (2025). L’auteur, né en 1942, ne désarme pas. Moi non plus.

J’avais déjà souligné dans les deux premiers ouvrages cités, combien son style était accessible même au non-historien, et combien ses analyses m’avaient passionnée. Il en est de même pour ce troisième opus, lu comme un effroyable thriller politique, avec en plus le sentiment que l’histoire peut aussi recommencer …

En effet, la situation après la cessation des combats le 11 novembre est catastrophique pour les vaincus, en dehors même des conditions draconiennes du traité. 

La guerre a été financée par l’emprunt plutôt que par l’impôt, ainsi le colossal déficit des finances publiques génère une forte inflation, la production industrielle et agricole est en chute libre, la réintégration des soldats et des nombreux mutilés dans la vie économique est difficile. Rapidement, la révolution s’allume ici et là à l'instar de ce qui s'est passé en URSS en 1917, elle est réprimée dans le sang. Bien entendu, ce sont les signataires du traité de paix et fondateurs de la république parlementaire installée à Weimar qui en sont rendus responsables, l’armée n’a pas démérité - selon le mythe du coup de poignard dans le dos.

L’instabilité ministérielle est le fruit du système électoral à la proportionnelle intégrale et de la pression exercée par l’exécution des clauses du traité de Versailles par les Alliés dont la France. Drapés dans leur blanche vertu, les partis d’opposition, loin des responsabilités gouvernementales, accusent de tous les crimes les partis de gouvernement qui n’ont pas d‘autre choix que de céder aux exigences des Alliés.

En 1923 : occupation de la Ruhr, attentats, hyperinflation, démobilisation, poids des versements aux veuves de guerre, augmentation des importations, réparations en nature, versement des salaires aux grévistes qui pratiquent la résistance passive … Le gouvernement n’a pas d’autre solution que la planche à billets, qui génère une dévaluation galopante.

Une figure se détache : Gustav Stresemann, indéboulonnable ministre des Affaires étrangères qui va ramener progressivement son pays dans le concert des Nations, négocier des réductions notables des réparations. Après la réforme monétaire, il y aura même une période dite des « années d’or », entre 1924 et 1929, puis viendra la crise mondiale.

Après l’échec de son putsch de 1923, Hitler préfère prendre le pouvoir par la voie des urnes et utiliser les moyens de la démocratie avant de lui tordre le cou.

Le spectaculaire redressement économique attire les investissements étrangers et l’économie allemande retrouve sa première place en Europe, mais sur des bases fragiles. A l’occasion d’une succession de dissolutions malencontreuses et d’élections anticipées, une majorité absolue reste introuvable. Le président Hindenburg, héros de la guerre, se présente au poste de président à la mort d’Ebert et est triomphalement élu. C’est peu dire qu’il est anti-républicain.

Crise surmontée après crise, Hitler et le NSDAP progressent cependant, surtout face à la politique déflationniste du chancelier Brüning : diminution drastique du salaire des fonctionnaires, pression fiscale, réduction des allocations chômage … poussée spectaculaire des partis extrémistes – nazis et communistes.

Hindenburg est réélu en mars 1931 au second tour – Hitler a recueilli 36,8% - mais il rend la politique déflationniste responsable de son ballotage. Le 30 mai 1932, Brüning démissionne, il sera remplacé par Franz von Papen, un anti parlementariste notoire. Le 31 juillet, le NSDAP recueille 37,3% des voix mais Hindenburg ne se tient pas obligé de nommer chancelier ce « caporal bohémien ». Il n’y a pas de majorité absolue mais, ensemble, communistes et NSDAP peuvent bloquer la machine parlementaire.

Grèves générales, émeutes sanglantes, milices d’extrême-droite, la guerre civile menace. Hitler devient incontournable mais ne transige pas : c’est la chancellerie ou rien. Incroyables conciliabules en coulisse, puis nomination d’Hitler le 30 janvier 1933, conformément à la constitution. Le 21 mars, il obtient les pleins pouvoirs : en quatre mois, l’Allemagne a basculé dans la dictature à parti unique. On connaît la suite.

Dans sa conclusion, l’auteur souligne parmi les causes du désastre le scrutin proportionnel et l’émiettement des partis de gouvernement à gauche comme à droite, le rôle funeste de Hindenburg qui installe un régime présidentiel et son hostilité obsessionnelle vis-à-vis des sociaux-démocrates … et pas seulement les conséquences du traité de Versailles.

Bref, un ouvrage clair et passionnant, qui donne à réfléchir … car comme chacun sait, l’histoire ne se répète pas*, mais …

*Friedrich Merz, leader de la grande coalition qui va désormais gouverner en Allemagne, a échoué de 6 voix pour obtenir dès le premier tour l'investiture du parlement. Il est finalement élu chancelier fédéral au second tour ...

 

La république de Weimar, par Jean-Paul Bled, édité chez Perrin, 300 p., 23€.

Commentaires
N
Merci pour ce travail de recherche fort intéressant !
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J
Merci pour ces références bibliographiques. Agréable journée
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