La guerre mondiale n'aura pas lieu, essai de Frédéric Encel
Tout est dans le titre, et plus spécifiquement dans l’adjectif « mondiale », et le sous-titre : des raisons d’espérer.
Frédéric Encel, géopolitologue reconnu, pointe les réalités objectives qui invalident la « certitude » du pire et fait un sort aux théories de type « choc des civilisations » et autre « piège de Thucydide ».
Les rivalités sanglantes entre Etats proviennent non pas de civilisations antagonistes mais de clivages claniques, tribaux, confessionnels, ethniques, économiques, de susceptibilités entre chefs d’Etats. Les démocraties authentiques ne s’affrontent pas militairement. En revanche, les représentations (perception identitaire collective) de l’Autre, le plus souvent dépréciatives, sont bien plus propices à la compréhension des rivalités de pouvoir.
L’ouvrage pose la question cruciale : que craindre de la mécanique des traités d’alliance et d’un effet « domino » tel que le monde l’a connu à l’été 1914 ? Aujourd’hui, il est une réalité déplaisante pour les Etats modestes : s’allier à une puissance considérable ne garantit pas le respect de ses engagements, justement parce que celle-ci ne craint pas de rétorsion sérieuse en guise de vengeance, du moins dans l’immédiat.
Quels seraient cependant les facteurs de déclenchement d’une guerre mondiale ?
Les groupes terroristes ? Faire couler le sang des populations civiles est une chose, bâtir des armées redoutables et édifier des alliances militaires crédibles en est une autre. Les activistes religieux contemporains auraient-ils les capacités d’entraîner l’humanité vers l’abîme d’une guerre mondiale ?
Le Monde arabe ? Les grandes puissances ne s’y investissent que marginalement et à des conditions particulières, cf. l’immobilité de la Russie face à la chute de Bachar el Assad.
L’Afrique ? La quasi-totalité des confits y sont des guerres civiles ne dépassant pas les frontières, malgré les fléaux que constituent la piraterie et les groupes radicaux assassins.
Le conflit israëlo-palestinien, Jérusalem ? Les chancelleries le considèrent comme un contentieux irritant et insoluble.
Trump ? Il oscille entre une forme de réalisme et son prisme primordial pour le porte-monnaie et considère que les affaires du monde ne doivent intéresser les Etats-Unis qu’à la condition qu’elles rapportent davantage qu’elles ne coûtent et que pas un GI ne doit perdre la vie autrement que pour défendre le sol des Etats-Unis.
Le pire n’est pas certain, mais si une nouvelle guerre mondiale devait avoir lieu, ce serait au Cachemire, en Europe orientale ou à Taïwan, cependant la Chine, centre du monde, n’a pas de tradition expansionniste et aurait trop à perdre.
Une conclusion : l’apaisement (appeasement) suscite plus souvent l’appétit des prédateurs qu’il ne les rend pacifiques. Il faut se montrer ferme dans la dissuasion. Les démocraties peuvent l’emporter sur les régimes autoritaires « à la condition qu’elles le veuillent » disait Raymond Aron.
La guerre mondiale n’aura pas lieu, les raisons géopolitiques d’espérer, essai de Frédéric Encel, chez Odile Jacob, 285 p., 23,90€