Histoire de l'Algérie coloniale (1830-1954) par Benjamin Stora
On parle beaucoup des relations tendues entre notre pays et l'Algérie en ce moment. J'ai voulu revenir aux sources ...
Quand vous formulez sur Google la requête « historiens français de l’Algérie », la première image qui apparaît est celle de Benjamin Stora. Né en 1950 à Constantine, il a vécu le rapatriement en catastrophe de 1962 et en a tiré un récit autobiographique « Les clés retrouvées » particulièrement émouvant. Mais c’est son œuvre éminente et très riche sur l’histoire de son pays natal qui, avec une honnêteté intellectuelle parfaite, donne la parole à toutes les communautés, ce qui me le rend particulièrement précieux.
Ce livre resserré mais très accessible raconte l’Algérie entre le 14 juin 1830, lorsque l’armée française forte de 37000 hommes a débarqué dans la baie de Sidi Feruch et le premier novembre 1954 avec le début de la guerre d’indépendance.
Des chapitres courts et clairs, sans concession, sur une histoire que l’on ne nous a jamais enseignée : celle de la conquête sanglante, de la colonisation et de ses résistances, de la spoliation des terres des communautés rurales au profit d’exploitations agricoles de type capitaliste, de la destruction des références socioculturelles et religieuses des habitants des origines.
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Un régime colonial différent de celui de la Tunisie et du Maroc, la grande diversité des provenances de ceux que l’on appelle « pieds noirs », l’Islam en tant que patrie de référence identitaire. Mais aussi les révoltes récurrentes contre le colonisateur, les grandes failles dans la prééminence française (la débâcle de mai 40, l’épisode vichyssois et les mesures antisémites, Dien Bien Phu), l'immobilisme de la classe politique française envers toute réforme.
L’échec de la politique d’« assimilation », l’enterrement du projet de loi Blum-Violette qui prévoyait une représentation plus équitable des Arabes, l’inconscience de la société pied-noir et son nationalisme français exacerbé, les luttes d’influences au sein des partis indépendantistes des Algériens émigrés en métropole, l’influence du Parti communiste …..
Cette histoire qu’on ne nous a jamais enseignée en France explique aujourd’hui le ressentiment d’un peuple qui aurait pu nous être si proche, partageant bien des valeurs de 1789. Une évolution à décoder aussi sur le plan économique, façonnée dès l’origine par le principe du pacte colonial et l’application du régime de l’indigénat.
Je ne sais pas si un jour, nos deux peuples pourront regarder l’avenir du même côté et non comme aujourd’hui face à face. Après une telle lecture, qui ne demande que quelques heures, on sait un peu mieux de quoi on parle.
Histoire de l’Algérie coloniale, 1830 – 1954 (nouvelle édition) par Benjamin Stora, éditions la Découverte, collection Repères, 124 p., 11€