J'emporterai le feu, roman de Leïla Slimani
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Dernier tome de la trilogie familiale de Leïla Slimani commencée en 2020. Pour moi, l’héroïne principale n’en est pas le « double littéraire » de l’autrice, Mia, mais Aïcha Belhaj, née une année après moi, fille de ce couple improbable formé en pleine guerre entre Mathilde, alsacienne pur sucre et Amine, le beau spahi marocain de l’armée De Lattre. Une française qui rejoint son mari dans sa terre marocaine, ce ne fut pas si courant …
Pour Leïla Slimani, « c’est la troisième génération qui raconte ». Pour ma propre famille, issue de l’immigration italienne, ce fut effectivement mon travail que je « mettre au net » les récits entrelacés de mon père, largement inspirés par ses aventures de guerre et de ma mère, racontant les difficultés de ses parents à s’insérer dans leur pays d’accueil, dont ils obtinrent la nationalité en 1927.
Deux phrases relevées dans ce beau texte de cette petite-fille surdouée, à la fois totalement française et tout aussi marocaine : « Pour s’assimiler, il fallait se dissoudre, annuler le passé. Que le prix de l’intégration, c’était aussi la perte d’une certaine intégrité. » La question reste ouverte.
Naturellement, je n’ai jamais appris l’italien, mais je cuisine encore comme la grand-mère piémontaise que je n’ai pas connue. On s’enrichit de deux cultures, même si cela peut parfois paraître déchirant. Surtout lorsque les pratiques culturelles, religieuses, l’histoire sont éloignées, voire incompatibles.
Mia, la narratrice, est une enfant hyperdouée, mais très tôt en opposition avec les hommes. Une raison de plus pour se sentir à part, surtout en terre d’Islam. A la différence de sa sœur Inès, belle et sensuelle dès son plus jeune âge, elle aussi. Deux sœurs rivales puis complices, en admiration devant Mehdi, leur père entrepreneur infatigable, faussement accusé de malversations, jeté en prison puis blanchi à titre posthume. Mais « Être innocent quand on est mort, ça ne sert à rien. »
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On reste terriblement triste en tournant la dernière page de cette saga, malgré le style haletant, précis et évocateur, l’analyse minutieuse des personnages, la description angoissante de la vie dans un pays sous la chape de plomb d’une coercition omniprésente et le maintien particulièrement restrictif de la place des femmes dans la société.
Le Maroc, un pays si beau, à la culture si étendue, à la jeunesse si riche d’avenir, une nation qui ne fut jamais asservie, où mes parents avaient eux-mêmes immigré entre 1932 et 1944 … Ainsi, Leïla, Aïcha et moi avons tissé des liens invisibles : le Maroc, l'adoption d'un autre pays par mes grands-parents maternels, la tradition familiale inoubliée ...
J’emporterai le feu, roman de Leïla Slimani, publié chez Gallimard, 430 p., 22,90€