Louis XV, biographie de Jean-Christian Petitfils
Après avoir dévoré les épisodes de la désastreuse Guerre de Sept Ans (1756 à 1763), j’ai voulu approfondir mes faibles réminiscences du règne de Louis XV, ce souverain si décrié dont l’action couvre la plus grande part du XVIIIème siècle (1710 - 1774).
LE spécialiste de la période, c’est naturellement Jean-Christian Petitfils, dont les nombreux ouvrages allient la clarté de style, l’érudition à une vision globale de cette époque puisqu’il cumules des expériences professionnelles nettement plus diversifiées que les purs historiens.
Me voilà donc embarquée à nouveau dans un pavé de plus de 900 pages, décrivant pas à pas le parcours de cet arrière-petit fils du Roi soleil, trop tôt orphelin de ses deux parents et révéré comme une idole dès ses 5 ans.
Naturellement, cela commence par l’histoire de la Régence, et dès le départ, les intrigues de Cour foisonnent. Une grave décision va peser sur l’ensemble du règne : en échange du retour du droit de remontrance conféré au Parlement, Philippe d’Orléans obtient de celui-ci la régence pleine et entière du jeune roi, contrairement aux dispositions du testament de Louis XIV.
Nous savons que si le Régent a gouverné avec habileté et loyauté, cette mise en avant des parlements va empoisonner toute la vie politique ultérieure. Une des plaies récurrentes du règne du « Bien-Aimé » sera la lutte perpétuelle entre la volonté royale, seule source du pouvoir législatif - en particulier dans les domaines de la réforme de l’Etat et du système fiscal datant du moyen-âge et la résistance acharnée des magistrats qui prétendent eux aussi créer le droit. Car les finances sont déficitaires ... Déjà !
Ce sera épique et empoisonnera toute la période : refus d’enregistrer les édits royaux, lits de justice, harcèlement, exil des parlementaires ou embastillements, grève et blocage du système judiciaire … Nos parlementaires contemporains n’ont rien inventé.
Autre fracture dans la société : la religion. Même si les Protestants commencent à se fondre dans la masse, les querelles divisent les catholiques, jusque dans l’entourage immédiat du roi.
Elles portent sur l’irréconciliable haine entre les « dévots », partisans d’un catholicisme proche de la contre-réforme et des Jésuites, et les Jansenistes que plusieurs textes condamnent, en particulier la bulle papale « Unigenitus » qui déclare hérétique cette croyance et est adoptée comme loi du royaume en 1730. Dans notre France laïque, on imagine mal cette intolérance sans nuance.
Quel est le portrait psychologique de ce roi dont on se souvient surtout des liaisons spectaculaires ? un extrait :
« Derrière la beauté de ses traits, la distinction de ses manières, l’affable politesse de son langage, son élégance parfois hautaine, voire olympienne, on bute sur le masque d’impassibilité, qu’il est malaisé de lever. Le fond de son caractère, autant qu’on peut l’appréhender, était sombre, saturnien, cyclothymique. Entouré de flatteurs, il méprisait les hommes, peinait à croire en leur désintéressement. »
L’auteur lui accorde cependant le courage devant l'ennemi - à la bataille de Fontenoy par exemple - une intelligence au-dessus de la moyenne et une vaste cilture scientifique, une grande capacité de travail, une piété non feinte, une grande propension à la morosité. Sans oublier son addiction aux plaisirs charnels, source de scandale chez ses sujets.
Autre permanence : la valse des ministres, mais pas un de la carrure d’un Richelieu ou d’un Mazarin. Louis XV a rapidement voulu, comme son aïeul, être son propre Ministre principal, mais il n’en avait pas l’envergure, malgré une bonne volonté évidente.
Parcourir cette tranche d’histoire, qui décrit une période de raffinement extrême pendant laquelle la France a connu une expansion économique et artistique exceptionnelle sans souhaiter étendre son territoire et malgré la suprématie de l’Angleterre sur les mers, est riche d’enseignements.
En réalité, peu de choses ont évolué dans notre culture politique …
Louis XV, par Jean-Christian Petitfils, aux éditions Tempus (Perrin), 938p., 17€