Trois royaumes, essai de Danielle Elisseef
Un livre bref, mais qui en apprend énormément sur la Chine et sa civilisation millénaire.
L’ouvrage de Danielle Elisseef, éminente sinologue née en 1938, qui a produit durant toute sa carrière de chartiste une multitude d’ouvrages, semble nous délivrer ici un subtil message à usage de la géopolitique d’aujourd’hui.
L’époque des Trois royaumes est une courte période du IIIème siècle de notre ère, entre 220 et 260, située entre la dynastie Han et la dynastie Jin. Une période de convulsions, celle d’un empire en déliquescence, à l’instar de l’empire romain qui commence aussi à se déliter au même moment, tout à l’ouest …
C’est un moment où se joue l’unité de l’empire, dont la Chine actuelle parle aujourd’hui en toutes occasions, un passé douloureux, mythe fondateur de la Chine contemporaine.
Une épopée réécrite à plusieurs reprises plusieurs siècles plus tard, la hissant au rang des chefs d’œuvre de la littérature universelle au même titre que l’Illiade et le Mahabharata. Une saga qui a donné naissance à une foule de séries, mangas, jeux video, bandes dessinées et grands films d’action comme celui réalisé par John Woo en 2008, avec la mise en images de plusieurs héros devenus cultes.
Les trois royaumes sont à cette époque : au nord, le Wei, pays du fleuve jaune, terre fertile où l’on cultive les céréales (le millet) mais où il faut périodiquement résister à la poussée des éleveurs nomades. Au sud du fleuve jaune, le Wu, plus pauvre, morcelé en principautés et au relief plus tourmenté et, paradoxalement, qui fait dos à la mer. Enfin à l’ouest, adossé au plateau tibétain, le Shu.
Les héros de cette époque, entre roman et réalité historique, sont aux prises avec des forces de destruction qui les dépassent : bouleversements climatiques, guerres et révoltes paysannes à répétition (les Turbans jaunes), invasions, famines, pandémies, migrations massives. Une société de violence où l’assassinat est de mise, et les luttes de factions au niveau impérial entre ennuques et mandarins fonctionnaires, permanentes.
Cao Cao - prononcer Tsao Tsao – (155 – 220), premier ministre de l’empereur du Wei, est un surdoué intègre et efficace, mais d’une cruauté sadique et d’une férocité inhumaine. Il va être désigné pour réduire les Turbans jaunes, lutter contre la corruption des fonctionnaires locaux et les croyances religieuses aberrantes.
Se sentant le plus fort et dominant le jeune empereur, il va s’attaquer à Sun Quan (182 – 252) et Liu Bei (161 – 223), alliés du royaume de Wu, pour s’emparer du territoire situé au sud du fleuve bleu, à l’aide d’une flotte considérable. Mais, emporté par son orgueil, il subit une défaite « cuisante » à la Falaise rouge.
Il y a aussi Zhuge Liang, le fin stratège de Liu Bei, Sima Yi (179 – 251), conseiller de Cao Cao …
Une histoire de combats, de sang et de fureur, que l’on commence depuis quelques décennies à mieux décrire à travers des découvertes archéologiques, favorisées par l’activité constructive effrénée de la Chine contemporaine.
Trois royaumes, la Chine au IIIème siècle, un monde en convulsion, essai de Danielle Elisseef, aux éditions Passés/Composés, 220 p., 20€