La guerre de Sept Ans, par Edmond Dziembowski
De 1756 à 1763, une guerre à l’échelle mondiale a ravagé trois continents. Qui s’en souvient, que nous a-t-on appris sur ce conflit majeur qui a mis à plat les finances des plus grandes économies d’Europe et a bouleversé le vieux système de l’équilibre entre les puissances ?
Pas question de résumer ici cet ouvrage de plus de 800 pages, même en édition de poche. Mais souligner qu’une fois entamé, je n’ai pas pu m’en détacher. Parce que cette époque, le règne de Louis XV, est génératrice des idées des Lumières et au final du système démocratique que nous connaissons et dont nous éprouvons les difficultés.
Une clé aussi pour comprendre la culture politique des Etats-Unis avant même leur combat pour leur affranchissement de la tutelle britannique, pour se souvenir des vicissitudes de notre premier empire colonial dans cette guerre – qui ne s’est pas déroulée dans l’hexagone – qui nous en a presque totalement privé.
Un monstrueux gâchis où « l’Etat perdit dans le cours de cette funeste guerre la plus florissante jeunesse, plus de la moitié de l’argent comptant qui circulait dans le royaume, sa marine, son commerce, son crédit. » selon Voltaire.
Une effroyable tuerie qui a coûté 145000 Autrichiens, 180000 Prussiens, autant de Russes, 140000 Anglais et autant de Français, au total environ un million de victimes. Et pas un souvenir dans notre pays ???
Tout cela a commencé par une guerre coloniale : l’agression anglaise contre les colonies françaises du Canada. Un renversement des alliances conçue par Louis XV, homme de paix mais soumis à la coterie de la Pompadour, qui bouleverse le vieux système de l’équilibre des puissances dominantes garantissant la stabilité de l’Europe. Louis XV s’allie désormais à l’Autriche, contre son adversaire et rivale : l’Angleterre.
Le traité de Versailles conclu en 1755 – il y en aura trois – fait de Frédéric, roi de Prusse, notre nouvel ennemi et l’allié de l’Angleterre et noue avec l’Autriche une alliance qui rompt une inimitié séculaire.
Une vaste épopée qui transporte le lecteur des rivages des grands lacs de l’Amérique du Nord aux rives du Dekkan indien, en passant par Gorée et les îles à sucre des Caraïbes, de la Silésie annexée par la Prusse, comme la Saxe à l’incursion russe en Poméranie … en passant par la défense de l’électorat de Hanovre si cher au roi George II.
Avec des portraits particulièrement fouillés des généraux, des souverains et des diplomates de chaque puissance : Choiseul, William Pitt, Dupleix, Montcalm, Bougainville, Bernis, Washington (pas toujours élogieux) Frédéric II, le roi prédateur… et le rôle des nations amérindiennes très actives dans la lutte pour la conquête de la Nouvelle France et qui, d’alliés à la France au début de la guerre, vont basculer du côté des Anglais.
Une épopée haletante qui a modifié profondément les rapports de forces en Europe avec la victoire finale de l’Angleterre et l’abaissement de la France qui n’est plus désormais la première puissance et a perdu l’essentiel de son empire colonial.
Une paix signée à Paris en février 1763 mais qui ne satisfait personne : une terrible déconvenue en Amérique pour les Canadiens, la déception amère des colons américains vis-à-vis de leur métropole, le retournement des Amérindiens contre les colons d’Amérique … le dépecage de la Pologne.
En Angleterre, les conséquences de la guerre entraîneront la réforme de la représentation parlementaire après l’émergence d’une sphère extraparlementaire agissant d’une manière autonome. En France, une notion nouvelle de patriotisme voit le jour.
Impossible de ne pas faire de parallèle avec la situation internationale présente : guerres d’agressions, hybris des dirigeants, complexité des alliances et jeu de dominos tragique …
Un livre qui démonte avec brio les techniques de l’art de la diplomatie et les difficultés de commandement. Un feuilleton d'une lecture parfaitement accessible.
La guerre de sept ans, par Edmond Dziembowski, éditions Tempus, 851 p. (739 sans les notes), 12€.