Adieu à notre Benjamin
Benjamin a décidé que sa vie, dans ce monde, ne valait plus la peine d’être vécue.
Ce fut sa décision, sa détermination – le terme revient à maintes reprises dans les écrits qu’il laisse derrière lui - apparemment mûrement réfléchie, froidement planifiée, et nous devons hélas nous y plier … Pas un énième appel au secours pour attirer l’attention, mais la conclusion lucide de souffrances que nous n’avons pas pu ou su interpréter mais que lui-même a pris soin de décrire.
Benjamin était un être bourré de talents, d’une générosité infinie, mais lui seul ne le savait pas.
Beau comme un Alain Delon en version blonde, athlétique et sensible, ses espoirs se sont fracassés devant la maladie et les douleurs à la fois psychologiques et charnelles.
Depuis sa prime jeunesse, il voulait devenir militaire. Il a compris que ses problèmes de santé lui fermeraient cette voie.
Il pratiquait la boxe et savait esquiver les coups avec une rare élégance, mais ces coups-là, il n’a pas pu les éviter. Il était pudique et n’évoquait pas ses difficultés et le manque d’intérêt pour des études qui ne correspondaient en rien à son agilité intellectuelle et sa maturité hors du commun pour un adolescent de son âge.
J’avais le privilège de partager avec lui une passion : l’écriture. Il évoquait dans ses écrits des situations dramatiques, une tristesse à fleur de peau, des images prémonitoires. En réalité, c’était l’écume des choses. Tout le temps, il parvenait à donner le change, avec sa gueule d’ange et sa naturelle gentillesse.
Nous continuerons à garder de lui cette image éclatante, son regard bleu, sa haute stature, ses câlins …
Un ange, je vous dis !
Je ne parviens pas à conceptualiser son absence, aujourd’hui et à jamais. Je me sens tellement démunie devant la souffrance d’Anne-Christine, Laurent, Jean-Baptiste et Camille, orphelins de Benjamin désormais.
Pour moi, sa grand-mère désolée, il restera à jamais une figure de notre famille, notre clan, qu’il soude dans la tristesse et le regret … mais pas le remords, et le respect de son courage.
Les mots de Camille, sa grande sœur :
Benjamin était un garçon de 15 ans qui était terriblement malade. Son corps et son esprit luttaient en permanence contre lui.
Malgré cela, Benjamin est resté un jeune homme souriant, aimable et rieur. Sa sensibilité hors normes le rendait profondément empathique et gentil.
En tant que grande sœur, je devrais lui voir des défauts mais j’en n’en vois aucun qui ne soit pas causé par son jeune âge. C’était un ado qui articulait peu, parlait très vite, ne se rendait pas compte de l’odeur douteuse de sa chambre et mangeait à peu près tout et n’importe quoi. Mais c’était un garçon attentif, gentil et aimant. J’ai eu la chance de l’avoir comme frère pendant 15 ans. Il était créatif, combatif, inspiré mais malheureux du combat interne qui se jouait dans son être. Malgré toutes les douleurs, il n’a jamais été un ado colérique ou vindicatif.
Ma grand-mère parle d’ange, je pense que c’est approprié. J’ai passé 15 ans de ma vie à veiller sur lui comme je le pouvais, à être sa grande sœur. Maintenant, il veille sur moi là où il est.
Nous n’avons pu qu’assister, mon frère, mes parents et moi à ses tourments. Nous prions pour qu’il ait trouvé l’apaisement qu’il cherchait. Son geste, bien que déterminé, est une complication de sa maladie.
Nous tenions à remercier ses médecins qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Leur dévouement a été sans failles alors que le service de pédopsychiatrie en France est en souffrance.
Nous tenions aussi mon grand frère et moi à remercier les équipes des pompiers des casernes de Champerret et Courbevoie, ainsi que les policiers du 17ème arrondissement qui ont tout fait pour nous apaiser, nous faire rire et nous accompagner alors que nous apprenions et vivions l’impensable.
J’ai aussi une pensée pour les professionnels du service de psycho-traumatologie du SAMU de Paris qui ont tout de suite réagi pour nous aider à traverser ce moment terrible. Leur aide est précieuse.
Je souhaiterais adresser aussi un message à tous les enfants en souffrance ainsi qu’aux parents de ces enfants : ne restez pas seuls. Vous êtes de plus en plus nombreux dans cette situation.
Parlez-en. Des structures existent pour vous aider à traverser ce que vous vivez. Benjamin lui-même souhaitait être le porte-parole des enfants en souffrance et en décrochage scolaire. Il a demandé que l’on s’améliore : je relaierai ses mots et les porterai. La santé mentale des jeunes doit devenir une priorité dans l’action publique.
Vous trouverez ici des sources qui peuvent être utiles, bien qu’il y en ait tant d’autres.
- Ligne d’écoute prévention suicide : 3114
- Association d’écoute des jeunes en détresse et de leurs parents : Phare – Parents enfants – 01.43.46.00.62
- Les Points Accueil Écoute Jeunes
- Numéro fil santé jeune : 0800 235 236
Sa grande sœur