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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 6 petits-enfants.
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18 octobre 2024

La désinvolture est une bien belle chose, par Philippe Jaenada

Toujours hanté par les personnages dont il a raconté la tragique histoire, Philippe Jaenada pense à une très jeune femme, morte en 1953 après s’être jetée par la fenêtre d’un hôtel miteux du quartier Montparnasse … et, à travers son destin tragique, décortique avec son acharnement habituel la vie de tous les compagnons de cette superbe femme qui avait tout pour elle – semblait-il.

 

Cet écrivain prolixe s’attache à retrouver la vérité, remonte le temps, relit sans relâche les milliers de procès-verbaux d’affaires criminelles, y retrouve des contradictions, des mensonges, des omissions volontaires ou pas, pour mettre au jour des révélations qui n'intéressent plus personne. Il lutte contre l'oubli.

 

A cette fin, il s’est constitué un réseau de correspondants – archivistes, érudits, journalistes, juristes …- qui lui dénichent des documents enfouis dans les tonnes de traces que chacun de nous laisse sa vie durant …

J’avais déjà apprécié son style inimitable dans « Au printemps des monstres » et «La serpe », son ardeur sans limite à pister le moindre indice et sa manière d’y mêler ses impressions personnelles, le plus souvent pleines d'humour. Mais il faut prévenir le lecteur : une fois « entré » dans son enquête, il est bien difficile de s’arrêter avant la fin.

Ici, le propos est de faire le portrait d’un groupe de jeunes gens soixante-dix ans après cette période de l’après-guerre : les zazous, style Juliette Gréco, les caves de Saint-Germain des Prés … une génération d’enfants qui avaient 11 ans en 1944, fracassés par le conflit, pour certains devenus orphelins de parents raflés et disparus à jamais.

 

A travers les extraordinaires images de Ed van der Elksen, photographe néerlandais et son album Love on the Left Bank, Philippe Jaenada s’attache à révéler les plus infimes détails de la vie de ces jeunes récalcitrants, qui survivent d’expédients – une autre forme de délinquance mais pas si éloignée de celle d’aujourd’hui - refus de tout travail, bitures, sexe, prostitution, usage de drogues, trafics en tous genres.

 

Une philosophie à la dérive : la figure évanescente de Guy Debord qui refera surface en 1968 … mais qui se souvient de Guy Debord et du lettrisme ?

L’écrivain entreprend un tour de France « par les bords » - en tout 5342 km et quelques litres de whisky - en mettant bout à bout les bribes de biographies de son héroïne Jacqueline Harispe (1933 – 1953), en commençant par celle de ses parents, de son dernier amant Boris Grgurevich, présent dans la chambre du suicide.

 

Une occasion d’évoquer le contexte de l’époque : les exactions du Csar (la Cagoule), le traitement réservé aux jeunes filles qui fuguent et couchent avant leur majorité, la vie dans les « maisons de redressement », les grossesses mal assumées, l’allure Saint-Germain des Prés (joli visage, longs cheveux raides, pantalon, gros souliers …).

Le titre de l’ouvrage est issu du Manifeste de l’Internationale lettriste publié en 1953. Mais c’est avant tout un constat bien sinistre : la misère, la crasse, l’alcool, l’abandon … Certains deviendront artistes (comme Vali Myers), d’autres sombreront dans l’anonymat ou se suicideront … comme la belle Jacqueline, dite Kaky, écrasée devant l’hôtel Mistral, 24 rue Cels.

 

La désinvolture est une bien belle chose, roman de Philippe Jaenada, publié chez Mialet-Barrault, 487 p., 22€

Commentaires
N
Merci pour cette découverte !
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L
Ce roman fait partie des livres que je dois acheter
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