Hommage à mes enseignants
De mes échanges avec mes petits-enfants, portant ousvent sur leurs activités scolaires, je tente de me remémorer, plus de soixante années après, certaines des figures professorales de ma jeunesse et ce qu’ils m’ont apporté.
J’ai effectué toute ma scolarité dans le même établissement secondaire, le lycée Paul Valéry, situé tout près de chez moi sur le boulevard Soult, un lycée mixte construit tout exprès pour absorber la vague des enfants du baby boom, de la 6ème en 1958 à la terminale de philosophie en 1964.
De toutes ces années, je retiens deux noms : Pierre Fortassier et Aimée Moutet.
En fouillant sur le net, je retrouve leur trace. Et je m’imagine mal aujourd'hui combien ces jeunes – ou moins jeunes – professeurs étaient en réalité des « pointures » dans leur domaine de compétences, et combien ils se sont appliqués à transmettre leur savoir à cette troupe d’enfants de la région sud-est de Paris, issus pour la plupart de la très petite bourgeoisie, intégrés pour la première fois dans un établissement secondaire sans avoir été astreints à l’examen d’entrée en sixième.
Pierre Fortassier (1920 – 1998), docteur es-lettres, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, fut mon professeur de français-latin et grec de la 4ème à la première. Sa thèse de doctorat portait sur « L’hiatus expressif dans l’Illiade et l’Odyssée ». Auteur aussi de « Le spondaïque expressif dans l’Illiade et l’odyssée », et « Rythme verbal et rythme musical à propos de la prosodie de Gabriel Fauré ». Autant dire des travaux d’érudition. Et il enseignait les langues anciennes dans un lycée lambda …
Il était particulièrement sévère, mais il m’a appris la rigueur d’analyse des textes. Et j’avais trouvé le truc pour le faire dévier de la trajectoire uniquement focalisée sur les thèmes et les versions : je lui posais une question sur l’histoire et la civilisation grecque et il partait dans une narration passionnante.
J’ai découvert aussi qu’en 1943, jeune agent de liaison, il était chargé de la diffusion du journal clandestin Libération … De cela, il n’en a jamais rien dit …
Autre figure de mes jeunes années, plus précisément celle de la terminale.
Aimée Moutet (1936 – 2020), notre jeune professeure d’histoire.
Elle était la fille de Marius Moutet (1876 – 1968), élu du Rhône, ministre des Colonies dans le gouvernement de Front Populaire puis de la France d’Outre-mer en 1947, un des 80 parlementaires à refuser les pleins pouvoirs à Philippe Pétain en 1940.
C’est la personne qui m’a donné envie d’étudier l’économie politique. En particulier après son explication éclairante sur les ressorts de la grande crise de 1929 et la politique keynésienne pour en sortir.
A cette époque en effet, hormis ce chapitre du programme d’histoire, on n’avait aucune notion d’économie, qui devînt alors ma matière préférée. Je lui dois sans aucun doute ma réussite au concours d’entrée à Sciences Po, juste après le bac en 1964.
Sur la photo des professeurs de mon lycée en 1962-63, je ne parviens pas à retrouver son image … et pas plus celle de Pierre Fortassier qui ne faisait sans doute plus partie de l’effectif puisqu’il a aussi enseigné à Louis-le-Grand, lycée bien plus prestigieux.
Quant à Mademoiselle Moutet, elle s’est spécialisée dans l’étude des questions d’organisation de la production et du travail dans les entreprises industrielles. Elle a publié plusieurs ouvrages consacrés à l’amélioration des conditions de travail.
Un lycée commencé dans des baraquements provisoires, mais dont le corps professoral – malgré l’urgence d’un recrutement rapide – était de grande qualité.