Japan Modern, une autre facette de l'art de l'estampe

Nul n’ignore mon addiction pour le Japon en général et les estampes en particulier … Mes connaissances en la matière sont naturellement lacunaires et mon intérêt se limitait jusqu’ici aux grands maîtres Hokusaï, Utamaro et surtout Hirohige …

Grâce à Florence, qui vient de me « prêter » un très beau livre sur l’art du XXème siècle, j’en sais désormais un peu plus. J’ai même fait l’effort de le lire en version originale, moi qui déchiffre à peine l’anglais. Et je pense en avoir beaucoup appris.

Edité par le Rijks Museum, cet ouvrage constitue le catalogue raisonné de l’exposition « Japan Modern : Prints from the Elise Wessels Collection » qui s’est tenue d’octobre 2022 à avril 2023.

Une collection réunie à partir des années 1980 par cette artiste sud-africaine décédée en 2023, et qui en fit don pour sa plus grande partie au musée hollandais. En tout 1100 gravures, imprimés, tirages uniques, livres illustrés de la première partie du XXème siècle.

« Elise Wessels a acheté sa première estampe japonaise dans les années 1980, dans la boutique du célèbre éditeur Watanabe Shôzabur. Cela a marqué la naissance d'une passion pour la collecte. Elle n'achète que des estampes qu'elle trouvait belles, et est toujours restée fidèle à ce principe. En plus de se rendre au Japon pour travailler, elle a également voyagé ailleurs en Europe et aux États-Unis. Avec les conseils d'experts, sa collection s'est développée pour devenir un recueil pratiquement complet d'estampes japonaises de la première moitié du XXe siècle. Les impressions de cette période sont définies par deux styles différents : le s'saku-hanga (estampes créatives), qui met l'accent sur l'innovation et explore des sujets tels que la vie moderne et la ville et le shin-hanga (nouvelles estampes), qui s'inspire du style des siècles précédents. La décision d'Elise de se concentrer, dès le départ, sur le shin-hanga et le s'saku-hanga, est l'une des raisons pour lesquelles sa collection est si unique et complète. »

J’en sais maintenant davantage sur l’évolution de l’art graphique japonais depuis les origines jusqu’à la période contemporaine. La forte intrication entre l’évolution politique de l’archipel depuis sa tardive ouverture au monde occidental jusqu’à la frénésie de modernisme de la montée en puissance de l’empire nippon, les répercussions sur l’art traditionnel de la gravure sur bois, les relations entre artistes et éditeurs, le passage de l’estampe de simple objet de consommation courante à celui d’œuvre d’art à part entière.

Comment ont interagi sur l’art japonais la révolution industrielle et les modifications du paysage urbain, les tiraillements entre modernité et tradition, l’évolution du statut de la femme, l’influence des sports et de l’art occidentaux dans l’enseignement de la peinture, depuis l’introduction de la perspective jusqu’aux nouvelles technologies de l’imprimerie moderne.

On parle toujours de l’engouement des artistes européens pour les estampes japonaises – chez Van Gogh ou Whistler entre autres – mais moins de l’influence inverse … Ce magnifique catalogue me fait désormais apprécier les estampes de l’entre-deux-guerres révélées par Elise Wessels.

Japan Modern, catalogue de l’exposition de la collection d’Elise Wessels au Rijks Museum d’Amsterdam, par Marije Jansen. En anglais, 232 p. superbes illustrations.