La cité sous les cendres, polar de Don Winslow
Voici donc le dernier épisode (après La Cité en flammes et La Cité des rêves) de l’ultime saga d’un auteur mondialement reconnu, et qui a décidé, à seulement 70 ans (une jeunesse !), de raccrocher les gants définitivement (?), pour consacrer son talent à la lutte contre l’éventuelle réélection de D. Trump.
Respect !
Même si je ne considère pas cette trilogie comme la meilleure de l’œuvre de Winslow - j’ai préféré la suite « La griffe du chien, Cartel et La Frontière » - j’étais impatiente de retrouver le héros cabossé ayant fui le Rhode Island avec son père chef de gang déchu et son bébé dans un siège auto … comme Enée, fondateur de Rome, avec son père Anchise et son fils Ascagne ...
Comment Danny Ryan, colosse irlandais pur jus, se retrouve diriger un groupe d’hôtels de luxe et de casinos à Las Vegas, comment il s’évertue à respecter les règles de saine gestion de ses affaires et y réussit, comment il doit malgré tout tenir compte de son passé dans une ville de plaisirs où tout est fondé sur la violence …
Car il ne suffit pas de trouver la bonne formule pour devenir riche à ne plus vouloir compter. Il faut l’énergie et les accointances nécessaires pour se maintenir au sommet ou l’atteindre sans partage face à une concurrence sauvage. La lutte - pour le territoire, le pouvoir suprême, un tronçon de trottoir, un point de deal ou la majorité des titres rachetés en Bourse - se conquiert, dans cette ville où tout n’est qu’illusion, à coups de fusil.
On a beaucoup décrit la trame de cette histoire comme un palimpseste moderne de l’Enéide. J’avoue que mes réminiscences de culture classique sont trop anciennes pour que j’y retrouve des points communs avec les personnages antiques sous les traits des acteurs de ce scénario.
On s’attache vite, cependant, aux protagonistes – les « bons » comme les « méchants » - et à leurs dilemmes, à leur soif inextinguible de vengeance, leur conception particulière de la loyauté, du sens très brutal de l’honneur et de leur agressivité sans borne contre les « ennemis » héréditaires : Irlandais, Italiens, Blacks, Juifs …
On se croirait à Marseille … Bref, je souhaite à cet écrivain majeur pleine réussite dans la croisade qu’il va mener dans son pays mais je ne parierai pas un cent sur sa retraite définitive en tant qu’auteur hyperdoué.
Qu’en dit son talentueux traducteur Jean Esch ?
La cité sous les cendres – City in Ruins – polar de Don Winslow, traduit par Jean Rsch, édité chez Harper & Collins, 518 p., 22,90€