juillet 1914 : Henriette Caillaux aux assises
En préparant quelques sujets destinés à brosser un tableau de la France à la veille du déclenchement de la Grande Guerre – au programme du Brevet – je retombe sur un événement qui passionna alors le public bien plus que les risques imminenets de conflit en ce printemps de 1914… Car depuis le 20 juillet 1914, Henriette Caillaux comparaît devant la cour d’assises de la Seine pour meurtre avec préméditation.
En effet, le 16 mars, l’épouse du ministre des Finances s’est présentée au siège du journal Le Figaro et a tué de six balles de révolver son directeur, Gaston Calmette.
Henriette Rainouard (1874 – 1943), d’abord épouse de l’écrivain Jules Claretie dont elle a divorcé en 1908, s’est remariée en 1911 avec l’homme politique Joseph Caillaux (1863 – 1944) , avec lequel elle avait une liaison depuis 1907, lui étant encore marié avec Berthe Gueydan.
Son mari est alors le leader du parti radical et ministre de finances, porteur du projet de loi instaurant un impôt sur le revenu progressif.
A ce titre, il fait l’objet d’une violente campagne de presse de la part de la droite, et surtout du Figaro qui en outre a pour but de faire échouer son projet politique pacifiste vis-à-vis de l’Allemagne.
110 articles en trois mois accusent le ministre de fraude fiscale, de financement occulte de ses campagnes électorales, de connivence avec l’Allemagne, de trafic d’influence, de soutien de personnages troubles …
Gaston Calmette annonce qu’il va publier des lettres privées de Joseph Caillaux – il a soudoyé une femme de chambre pour se les procurer.
Une lettre en particulier, datée de 1901 et adressée à Berthe Gueydan, se félicitant d’avoir fait obstacle au vote de la loi sur l’impôt sur le revenu tout en paraissant le défendre …
La coupe est pleine pour Henriette – Ma patience est finie - , écrit-elle dans une lettre laissée à son domicile – puis elle se rend chez le chicissime armurier Gastinne & Rénette, achète un petit révolver puis se rend au journal pour y attendre le journaliste et le tue dans son bureau.
Aux assises, l’avocat d’Henriette, Maître Labori (qui fut celui de Dreyfus) plaide le crime passionnel et non l’assassinat prémédité. Henriette Caillaux est acquittée le 28 juillet, le jour même de la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie …
Malgré le scandale, Joseph Caillaux est mobilisé et sert comme trésorier payeur aux armées, puis chargé de mission en Argentine puis en Italie. Il est arrêté en janvier 1918 pour « intelligence avec l’ennemi », on lui reproche d’avoir prôné le rapprochement franco-allemand, il est condamné à 3 ans d’emprisonnement en 1920 pour « aide involontaire » par ses paroles, ce qui provoque l’indignation de la Ligue des droits de l’homme.
Il sera amnistié en 1925, réhabilité, il retrouvera son siège de conseiller général puis de président du Conseil général de la Sarthe puis de sénateur … avant de redevenir Ministre des finances à plusieurs reprises … Joseph Caillaux votera les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en 1940 et meurt en 1944.
Une carrière politique d’une élasticité surprenante …