Les démons de l'inspecteur Lerouet, polar historique de Philippe Grandcoing

Septième enquête d’Hippolyte Salvignac et de son ami Jules Lerouet, cette fois héros principal de cet épisode.

Car le roman commence par un drame familial qui va plonger l’inspecteur des équipes mobiles de la police dans le plus profond désarroi et risquer de lui faire perdre la raison, sa carrière d’excellent policier et peut-être sa vie. Et Georges Clemenceau, qui protège de loin son poulain, n’est plus aux affaires.

Mars 1912 : la police est sur les dents. La bande à Bonnot sème la panique en pratiquant « la reprise individuelle » à coup de révolver et d’attaques fulgurantes, en utilisant de puissantes automobiles pour échapper aux forces de l’ordre. On compte déjà plusieurs morts de part et d’autre. Autre forfait qui secoue l’opinion publique : on a volé la Joconde !

Mais la quête du tueur qui s’en prend à la famille de l’inspecteur Lerouet est d’une autre nature, toute personnelle et incompréhensible, et devient coûte que coûte, sa priorité. Hippolyte et sa compagne Léopoldine lui apportent toute l’aide dont ils sont capables, mais le voient sombrer dans le chagrin et la misère psychologique.

Car la vie n’a pas été tendre pour le jeune policier en détresse : « lui, le fils de personne, le bâtard, l’enfant naturel d’une domestique d’un coin perdu de la Sologne » qui avait néanmoins réussi de brillantes études secondaires, mais qui travaille plutôt en solo, pas toujours en accord avec sa hiérarchie. Lui qui s’est lié d’amitié avec ce rentier ancien antiquaire,  fils du notaire de Martel, à la fois si conventionnel et décalé, féru d’arts sacrés. Une solide complémentarité lie ces deux hommes, fondée sur des valeurs : la parole et l’honneur.

Fort de son expertise de l’histoire sociale de la « belle » époque et de sa connaissance des affaires criminelles de ces temps où la technologie s’emballe dans tous les domaines de la société, Philippe Grandcoing fait pénétrer le lecteur dans les bas-fonds de la capitale : hôtels borgnes, maisons de passe, ateliers du Sentier, bistrots-assommoirs, ruelles encombrées qui ont échappé aux bouleversement haussmanniens. Sa description de la détresse et de la glissade d'un homme désespéré est tout à fait poignante.

Des filatures, des poursuites, le siège sanglant mais devant les médias, et la fin de Jules Bonnot dans son matelas … et aussi les guéguerres entre unités de police, la rancune de chefs gangrenés par les luttes politiques. Un polar à la fois émouvant et haletant.

Les démons de l’inspecteur Lerouet, polar de Philippe Grandcoing, publié dans la collection Vents d’histoire (de Borée), 283 p., 20,40€