La fabrique de la terreur #3, polar historique de Frédéric Paulin
A travers les aventures de la famille de Tedj Benlazar, dorénavant à la retraite mais libre de ses mouvements et devenu une légende des services secrets, voici un tableau très bien documenté des attentats perpétrés dans le monde occidental de 2010 à 2015.
Un décryptage du processus d’enrôlement de jeunes européens – issus de l’immigration ou pas, musulmans ou convertis - qui se jettent dans le terrorisme pour exprimer leur mal-être, habilement manipulés par des forces qu’ils ne conçoivent pas et fascinés par des videos de massacres qui révèlent leur pulsion de violence contre une société qui les marginalise.
Quelques clés pour comprendre les fondements idéologiques et financiers d’une manipulation protéiforme : seule l’identité religieuse est capable de remplacer le nationalisme comme politique mobilisatrice d’un groupe. La technique est universelle : instrumentaliser les symboles culturels pour rallier les « tribus » émiettées.
Nous suivons dans ce troisième opus la trajectoire dangereuse de Vanessa, la fille de Tedj, devenue journaliste d’investigation qui n’hésite pas à s’enfoncer au cœur des conflits (Tunisie, Libye, Turquie, Kurdistan, Syrie, Belgique …) pour recueillir des informations sur les jeunes leaders susceptibles de revenir perpétrer des attentats en France. Hélas, comme jadis, les éléments qu’elle rassemble ne suffisent pas aux services de surveillance pour justifier une action préventive dans un Etat de droit.
Car c’est le chaos dans les structures chargées de la surveillance des suspects de liaisons avec les mouvements criminels : la fusion de la DST et des Renseignements généraux, censée simplifier les procédures, est un échec, même si elle était intellectuellement, techniquement et économiquement logique. Elle a surtout mis à bas « deux services de renseignements aux patrimoines génétiques différents et complémentaires ».
On suivra donc les itinéraires mortifères des fratries Merah, Coulibaly et Abaaoud, de Abou Omar al Baljiki, Abou Backr Al Baghdadi, Salah Abdeslam, Djamel Beghal (entre autres), terroristes low cost, financés aussi par les principautés de Golfe, on essaiera de capter la différence entre wahabisme et salafisme (le premier mouvement tolère un dirigeant local s’il fait respecter le charia, le second souhaite un califat qui rassemblerait l’ensemble des croyants).
Une trame dramatique haletante, des personnages complexes des deux côtés, une description de la condition des femmes apocalyptique … cette trilogie reste hélas d’une terrible actualité, malgré le déni des risques toujours présents dans notre société où règne l’incommunicabilité entre sources de renseignements et le manque de moyens.
P.S. : à gauche, lu dans "Le Canard enchaîné" de mercredi dernier cet encadré : rien ne change ...
La fabrique de la terreur, policier historique de Frédéric Paulin, édité en Folio policier, 407 p.,9,20€.