Sam Szafran, obsessions d'un peintre - au musée de l'Orangerie
C’est toujours un plaisir cynique de « griller » toute une file d’attente pour entrer dans un musée dont on détient la carte de fidélité et de ne rien avoir à payer. J’allais admirer six tableaux d’André Derain au musée de l’Orangerie … et j’ai découvert un peintre français dont j’ignorais tout. Un choc !
Sam Szafran (1934 – 2019) – de son vrai nom Samuel Max Berger – a vu son enfance fracassée par la guerre et l’angoisse de la persécution.
Echappé de la rafle du Vel d'Hiv, fuyant en pro vince, réfugié dans le dessin, autodidacte, son œuvre minutieusement figurative, est obsessionnelle.
Il pratique des techniques alors délaissées comme le fusain, le pastel et l’aquarelle, représentant les décors qui lui sont les plus familiers : l’intérieur de ses différents ateliers, les escaliers, les feuillages – avec une prédilection quasi morbide pour un philodendron géant où il glisse un portrait minuscule de son épouse Lilette.
Il adopte pour maître Alberto Giacometti, hante Montparnasse ...
Ses descriptions d’intérieurs – comme l’atelier d’imprimerie Bellini – sont d’une précision stupéfiante : outils, verrières, presses, pierres lithographiques, nuanciers de couleurs …
Autre thème majeur : les escaliers, lieux de transition par excellence, là où l’artiste déclare avoir passé une partie de son enfance. Il les peint parfois comme dans un mauvais rêve, de façon distordue, angoissante, comme dans un film d’horreur.
L’apothéose de l’exposition est végétale.
En 1966, le peintre chinois Zao Wou Ki (1920 – 2013) prête à Sam Szafran son atelier au milieu duquel prospère un philodendron gigantesque.
Compositions proliférantes, détails végétaux à la manière d’un entomologiste : la plante devient jungle, comme « Cosmos », œuvre de très grand format, peinte à l’aquarelle et au pastel (2012) en hommage à Jean Clair, son ami académicien et éditeur.
Une vision décalée, parfois inquiétante, en tous cas entêtante d’espaces clos, celle d’un artiste que je ne suis pas prête d’oublier …
Une alternative magistrale à l'envahissement de l'art abstrait.
Commissariat : Julia Drost, Sophie Eloy
Sam Szafran. Obsessions d’un peintre, exposition au musée de l’Orangerie jusqu’au 16 janvier. Jardin des Tuileries, Place de la Concorde (côté Seine) 75001 Paris
Jusqu’au 6 mars : André Derain, paysages méridionaux. Ouvert tous les jours sauf mardi à partir de 9 heures.