Le jour où Luther a dit non, roman d'Anne Soupa
Ou comment un dialogue de sourds et la non-volonté d’aboutir à un compromis qui ne fut pas compromission fit voler en éclats la seule institution qui structure alors le monde occidental : l’Eglise catholique et romaine.
Et cette dissidence, qui n’est pas la première entaille plantée dans le roc immuable qu’est l’Eglise en ce seizième siècle, va embraser le monde chrétien, causer guerres sur guerres aussi sanglantes les unes que les autres, comme elle a déjà causé des « opérations spéciales » – les croisades – et lancé des opérations punitives individuelles (Savonarole, Jean Hus - par le bras de l’Inquisition.
Entre le 12 et le 15 octobre 1518 à Augsbourg, dans la maison discrète du banquier Fugger, se rencontrent Martin Luther (1483 – 1546), érudit dominicain, nourri de la lecture directe de la Bible, bientôt accessible à tout un chacun grâce à l’imprimerie, et l'envoyé du pape, le cadinal Cajétan, à la fois thomiste, dominicain et Italien.
Un an auparavant, Luther, qui se définit comme un catholique qui proteste, a eu l’audace de placarder sur les portes de l’église de la Toussaint de Wittemberg 95 thèses condamnant entre autres la vente des indulgences pratiqué par l’Eglise pour financer la construction de la basilique Saint Pierre, et critiquant certains dogmes comme celui du Purgatoire, et certains pouvoirs du Pape.
Pour tenter de le convaincre de se rétracter on lui envoie le cardinal Cajétan, venu de Rome, à la fois thomiste, dominicain et Italien. Luther a le soutien des princes allemands et des étudiants de son université d’Erfurt.
L’auteure met en scène trois de ces réunions qui constate immédiatement l’irréconciliabilité des thèses en présence. Luther présente des arguments solides, mais l’Eglise (et les princes …) ont trop besoin de la source de revenus des indulgences. Le désaccord porte plus profondément sur la valeur des œuvres ou de la foi pour accéder au paradis … A la troisième rencontre, Luther refuse de réfuter ses thèses. Mais comment imaginer que ce moine seul puisse résister à la personne sacrée du pape et à toute la tradition de l’Eglise ? Cependant, une part de l’Allemagne l’écoute …
Anne Soupa rend vivant ce dialogue de sourds qui n’est pas sans rappeler les négociations – ou simulacres de – qui se nouent en ce moment entre grandes puissances. La Renaissance, et avec elle la diffusion des idées et des évolutions culturelles, l’intransigeance des puissants restent liés à la nature humaine et hélas conduisent à des cataclysmes … L’humanité, malgré le progrès, ne change pas …
Le jour où Luther a dit non, roman d’Anne Soupa, éditions Salvator (2017), 215 p., 20€